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10/03
2016

2006-2016 : un combat inachevé contre les violences conjugales

La délégation aux droits des femmes du Sénat présente un bilan de la mise en application des dispositifs destinés à lutter contre les violences au sein des couples. Elle revient sur le dispositif législatif et la mise en oeuvre des quatre plans gouvernementaux de lutte contre les violences faites aux femmes depuis 2005. La délégation dresse notamment un bilan de l’ordonnance de protection, cinq ans après l’entrée en vigueur de la loi de 2010 qui l’a mise en place. Elle constate que des progrès restent à réaliser pour assurer la cohérence, sur tout le territoire, des procédures existantes, pour poursuivre la formation des professionnels, pour renforcer le suivi des auteurs de violences, dans un esprit de prévention de la récidive et pour améliorer la prise en charge des victimes, s’agissant plus particulièrement du traitement des conséquences psychotraumatiques de ces violences. Treize recommandations viennent conclure le rapport.

Recommandation n° 1. – La délégation estime que la montée en puissance de l’ordonnance de protection doit s’accompagner :
– de la convocation à l’audience de l’auteur par voie d’huissier ;
– d’un renforcement des dispositifs d’urgence du juge aux affaires familiales dans le cadre des procédures classiques ;
– de l’accord de l’aide juridictionnelle « pour les situations dignes d’intérêt » laissées à l’appréciation du juge.

Recommandation n° 2. – Au regard des missions assumées et du rôle central d’impulsion et de coordination de ce qui constitue une structure-modèle dans la lutte contre les violences, la délégation demande le renforcement des effectifs de la MIPROF et la généralisation des observatoires des violences envers les femmes à l’ensemble des départements.

Recommandation n° 3. – La délégation souhaite que la formation des magistrats puisse être proposée au plus près de leurs juridictions, tout en privilégiant un réseau national de référents spécialisés, et estime que la formation des magistrats concernant les conséquences traumatologiques des violences pour les victimes est une lacune à laquelle il est urgent de remédier.

Recommandation n° 4. – La délégation souhaite l’institution d’un label qui permettrait de distinguer les structures pilotes expérimentant l’accueil et la prise en charge des auteurs de violences conjugales, afin de pouvoir diffuser les bonnes pratiques sur l’ensemble du territoire.

Recommandation n° 5. – La délégation réitère sa demande aux ministères concernés, d’orienter les financements vers les associations, plus particulièrement vers celles qui mettent à la disposition des victimes de violences des hébergements spécifiques au sein de structures dédiées leur permettant un parcours vers l’autonomie.

Recommandation n° 6. –  La délégation souhaite que le motif de « violences familiales » soit effectivement un motif prioritaire d’attribution d’un logement social et demande au ministère en charge du logement de fournir chaque année une quantification du nombre de demandeurs ayant été relogés pour ce motif.

Recommandation n° 7. – La délégation demande une augmentation de l’attribution des boîtiers télé protection grave danger sur l’ensemble du territoire.

Recommandation n° 8. – La délégation suggère au Garde des Sceaux :
– de sensibiliser les magistrats aux conséquences négatives de la médiation pénale dans les cas de violences familiales, même en cas d’accord de la victime ;
– de produire une circulaire aux procureurs encourageant la caractérisation du délit de harcèlement psychologique au sein du couple, défini par l’article 222-33-2-1 du code pénal ;
– d’inciter les procureurs des départements concernés à instituer une politique de juridiction concertée de lutte contre les violences sur le territoire de leur ressort ;
– d’initier une réflexion sur la possibilité de modifier la nomenclature d’enregistrement des dossiers, afin de pouvoir caractériser les dossiers de violences faites aux femmes traités au sein des juridictions ;
– d’adresser une circulaire aux procureurs pour encourager la généralisation de la protocolisation de la mesure d’accompagnement protégé, prévue à l’article 373-2-9 du code civil ;
– de diligenter une mission d’information sur le retrait total de l’autorité parentale par décision expresse du jugement pénal, à l’encontre des père ou mère qui auraient été condamnés comme auteurs, co-auteurs ou complices d’un crime sur la personne de l’autre parent ;
– d’inciter à la désignation de référent-violences au sein de chacune des 26 cours d’appel.

Recommandation n° 9. – La délégation souhaite la mise en oeuvre de la généralisation de la présence d’intervenants sociaux dans les commissariats de police et dans les brigades de gendarmerie, qui accompagnent les victimes de violences conjugales dans leurs démarches de dépôt de plainte.

Recommandation n° 10. – La délégation estime urgente la mise en réseau des professionnels de santé chargés d’accompagner les victimes de violences en simplifiant leur prise en charge, et assurera une veille sur sa mise en oeuvre effective, notamment la désignation d’un référent violences au sein de chaque service d’urgence.

Recommandation n° 11. – La délégation renouvelle l’une des recommandations formulées dans le rapport de juillet 2015 Femmes et santé : les enjeux d’aujourd’hui, visant à mettre en place une formation approfondie des professionnels de santé pour une prise en charge précoce et adaptée des troubles liés aux violences, intégrant la connaissance des voies de signalement, des certificats de coups et blessures ainsi que de la notion d’incapacité totale ou partielle de travail.

Recommandation n° 12. – La délégation demande la publication d’un répertoire des centres de prise en charge spécialisés dans les conséquences traumatiques des violences intrafamiliales mise en place au sein d’équipes pluridisciplinaires pilotes, l’idéal étant la création d’un centre par bassin de 200 000 habitants et, dans un premier temps, d’un centre par département.

Recommandation n° 13. – La délégation demande une augmentation du budget alloué à la ministre en charge du droit des femmes, sachant que le coût actuel des violences s’élève à 3,7 milliards d’euros.

 « 2006-2016 : un combat inachevé contre les violences conjugales », C. Bouchoux, L. Cohen, R. Courteau, C. Jouanno, C. Kammermann, F. Laborde, Les rapport du Sénat, février 2016.