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29/08
2017

Contrainte en psychiatrie : l’Europe doit repenser ses modèles

Dans son Carnet des droits de l’homme, le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, Nils Muiznieks, dresse un constat sévère des politiques des Etats membres pour le respect des droits de personnes handicapées. Alors que la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées (CDPH) de 2006 constitue selon lui un « instrument précieux » pour passer du modèle médical au modèle social du handicap, le Commissaire pointe que de nombreux Etats n’ont pas perçu le réel changement de paradigme que cela implique : « Dans l’ensemble, dans tous les domaines susmentionnés, pointe le Commissaire, leur priorité a en effet été d’ajuster les systèmes existants, qui sont fondamentalement incompatibles avec la CDPH, au lieu de les refondre entièrement. »

« Les problèmes les plus fréquents que j’ai ainsi observés, précise le Commissaire, concernaient le droit de vivre dans la société et la désinstitutionalisation, le droit à la capacité juridique et le droit à une éducation inclusive. Une part considérable de mon travail en la matière a été consacrée aux droits des personnes présentant des déficiences psychosociales ou intellectuelles, qui forment un groupe social particulièrement vulnérable et marginalisé. »

Cet « état des lieux » explore les différents droits des personnes et les dispositifs qui actuellement les assurent. Droit des personnes à vivre dans la société et désinstitutionnalisation, capacité juridique, éducation inclusive sont les thèmes abordés, ainsi que les soins sous contrainte en psychiatrie.

Réduire les pratiques coercitives en psychiatrie

Un paragraphe est ainsi consacré aux « placements et traitements involontaires » en psychiatrie, pratiques discutables selon le Commissaire, qui dénonce « le grand nombre d’hospitalisations sous contrainte en France ou le problème persistant du recours à la coercition en Norvège. » : « Ce sombre tableau est le résultat de l’application du principe selon lequel le placement involontaire des personnes ayant des problèmes de santé mentale est nécessaire et inévitable, compte tenu du danger que ces personnes représentent pour elles-mêmes et pour autrui. J’ai souligné à maintes reprises qu’il faudrait au contraire commencer par se demander comment éviter la coercition et comment aider au mieux la personne concernée à faire des choix en matière de soins. Pourtant, les États se sont davantage attachés à concevoir des garanties et des contrôles juridictionnels, qui souvent ne fonctionnent pas dans la pratique »

Engageant les Etats à repenser leur politique, le Commissaire pointe « plusieurs bonnes pratiques, qui montrent que des solutions non coercitives existent. Par exemple, la méthode finlandaise de l’“Open Dialogue”, qui est appliquée en situation de crise et associe le patient psychotique à toutes les décisions concernant son traitement, donne apparemment de très bons résultats. J’invite les États membres à s’inspirer de ces exemples concluants et à réformer leurs systèmes de soins de santé mentale dans le but de réduire de manière drastique les pratiques coercitives en psychiatrie et de les éliminer progressivement. »

Dans sa conclusion, Nils Muiznieks indique la voie à suivre, rappelant que « les responsables politiques devrait respecter le principe selon lequel “Rien ne se fera pour nous sans nous”, qui résume l’esprit de la CDPH, et donc veiller à ce que les personnes handicapées soient étroitement associées à l’élaboration des politiques qui influencent profondément leur vie »

• Respecter les droits de l’homme des personnes ayant des déficiences psychosociales ou intellectuelles : une obligation qui n’est pas encore pleinement comprise, les Carnets des droits de l’homme du Commissaire aux Droits de l’homme, Conseil de l’Europe, 24 août 2017.