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17/09
2020

Isolement-contention : préconisations pour la rédaction de la nouvelle loi

Durée limitée à 6 heures pour une mesure de contention et à 12 heures pour l’isolement, décision médicale transmise au Juge des libertés et de la détention (JLD) après 24 heures pour une contention et 48 heures pour l’isolement… un groupe ressource mis en place par la conférence nationale des présidents des Commissions médicales d’établissements des Centres hospitaliers spécialisés (CME-CHS) dresse une liste de préconisations pour modifier l’article de loi encadrant ces pratiques en psychiatrie. La Conférence insiste également sur les mesures fortes d’accompagnement des équipes nécessaires pour faire évoluer ces pratiques. Communiqué.

La décision du Conseil Constitutionnel du 19 juin 2020 a estimé l’article L. 3225-5-1 du Code de la Santé Publique concernant les pratiques d’isolement et de contention contraire à l’article 66 de la Constitution. Elle impose une nouvelle rédaction de cet article dont l’abrogation est fixée au 31 décembre 2020. (lire aussi Isolement/ contention, un cadre juridique anticonstitutionnel)

Des conditions nécessaires

Avant d’envisager les propositions de rédaction de l’article, la conférence nationale des présidents des Commissions Médicales d’Etablissement de Centres Hospitaliers Spécialisés (CME-CHS) tient à rappeler les éléments suivants :

– Dans le champ des disciplines médicales, la psychiatrie se caractérise par une législation spécifique permettant d’engager des soins sans consentement. Ainsi, en tant que discipline médicale, elle a la particularité de la mise en œuvre de pratiques conciliant protection du patient atteint de troubles psychiatriques et respect de ses droits fondamentaux. Elle doit pour cela associer transparence des fonctionnements institutionnels et humanité des accompagnements soignants. Il est nécessaire d’insister sur le fait que de telles pratiques ne peuvent s’inscrire que dans le cadre d’un processus de soin et en aucun cas être instrumentalisées à des fins de contrôle social.

– Compte-tenu de l’évolution des soins ces cinquante dernières années, il convient également de souligner que les soins librement consentis en psychiatrie sont aujourd’hui la règle et les soins sans consentement l’exception. Pour autant, les pratiques de contention et d’isolement constituent des restrictions graves aux libertés individuelles. Elles entrent dans le cadre des soins sans consentement.

– En raison de la très grande acuité de cette problématique, de la persistance de phénomènes de stigmatisation liées à la pathologie mentale, de disparités fortes dans les recours à ces pratiques et d’interrogations encore trop fréquentes sur la qualité des soins en établissement, la conférence nationale des présidents de CME de CHS, en partenariat notamment avec la Fédération Nationale des Associations d’usagers en PSYchiatrie et après de nombreux échanges avec le Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté et la Haute Autorité de Santé, a fait de la réduction déterminée des pratiques  de  contention  et  d’isolement  un  des  objectifs  majeurs  de  son  action.  Elle  a  fortement sollicité à plusieurs reprises les pouvoirs publics pour la création d’un observatoire national des pratiques de contention et d’isolement chargé d’en limiter les pratiques et d’en suivre l’évolution.

– La conférence souligne en effet que la mobilisation pleine et entière des établissements autorisés en psychiatrie pour atteindre ces objectifs nécessite une politique volontariste de la part des psychiatres et des équipes de soins en lien avec leurs directions administratives sur la base d’orientations clairement définies au plan national.

Mesures d’accompagnement 

– Ainsi, les établissements doivent disposer des moyens humains et matériels nécessaires suffisants et adaptés aux conditions d’hospitalisation locales pour permettre la mise en œuvre de ces nouvelles contraintes  de  la  part  d’équipes  de  soins  déjà  très  éprouvées  par  la  situation  dégradée  de  la psychiatrie publique et les circonstances actuelles de l’épidémie COVID-19. A l’évidence, ces nouvelles contraintes conduisent à une réorganisation des soins et notamment de leur permanence qui ne peut se  concevoir  sans  d’importantes  mesures  d’accompagnement.  En  effet,  plus  que  dans  tout  autre spécialité, la psychiatrie s’appuie sur une forte dimension relationnelle et particulièrement sensible au climat social et sociétal. C’est dire toute l’importance que les unités d’hospitalisation soient dotées d’équipes médicales et soignantes formées, aux effectifs adaptés aux besoins quotidiens d’une part en termes de prévention primaire et secondaire de ces situations, d’autre part en matière de qualité et de sécurité des soins. Le recensement et la promotion des alternatives, dont l’aménagement d’espaces d’apaisement doit contribuer à une dynamique de désescalade au sein des unités de soins dont l’architecture interne doit permettre de traiter soins libres et soins sans consentements sans ségrégation, comme épisodes d’une même histoire clinique.

– Ces mesures fortes d’accompagnement des équipes doivent être assurées et diversifiées pour associer praticiens hospitaliers et équipes soignantes, notamment infirmières. Il s’agit de favoriser la mise en place de formations et de programmes dédiés et diversifiés, de groupes de travail, supervisions, analyses de pratiques en veillant en permanence à la dimension éthique et à l’humanité du soin. L’anticipation des situations de crise, le développement des expériences des techniques de désamorçage,  la  valorisation  des  retours  d’expériences  permettra  d’étoffer  les  répertoires  de ressources. Une politique de gestion des ressources humaines favorisant les partages et transmissions de  savoirs  notamment  pour  les  professionnels  les  plus  jeunes  ou  peu  expérimentés  et  impliquant l’ensemble des personnels concernés est de nature à réduire les risques d’épuisement professionnel et les risques psycho sociaux. Des actions de sensibilisation aux soins sans consentement doivent également être organisées à destination des élus locaux et de leurs équipes.

– Enfin, la thématique des pratiques de contention et d’isolement doit être au centre des préoccupations de la Commission Médicale d’Etablissement. Elle en fait un point régulier en séance plénière et contribue à une dynamique de travaux de recherche, en lien avec la Commission des Soins Infirmiers de Rééducation et Médico-Technique et la Commission Des Usagers. C’est dans ce contexte que la conférence nationale des présidents de CME de CHS a mis en place un groupe ressource dans le but de répondre aux critiques formulées à l’égard des dispositions législatives concernées.

Préconisations du groupe ressource

Le groupe ressource formule les préconisations de rédaction suivantes :

– Les pratiques de contention et d’isolement sont réalisées dans des espaces dédiés au sein des unités d’hospitalisation à temps complet des établissements autorisés en psychiatrie et dans le cadre de soins sans consentement. Elles sont de dernier recours, nécessaires, adaptées et proportionnées à l’état clinique du patient. Il ne peut y être procédé que pour prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui, sur décision d’un psychiatre de l’établissement, prise pour une durée limitée.

– Leur mise en œuvre doit faire l’objet d’une surveillance stricte confiée par l’établissement à des professionnels de santé désignés à cette fin. Les mesures alternatives tentées et arguments cliniques qui ont conduit à ces décisions de même que les mesures de suivi médical et infirmier sont tracées dans le dossier du patient.

– La durée de la contention doit être limitée à 6 heures et celle de l’isolement à 12 heures. En cas de nécessité de prolongation de la mesure, la décision est exceptionnellement renouvelée par périodes maximales de 6 heures pour la contention et de 12 heures pour l’isolement.

– À tout moment la mesure peut être levée sur décision d’un psychiatre de l’établissement dès que l’état clinique du patient le permet. Au-delà de 24 heures pour une contention ou dans les 48 heures pour un isolement, la décision médicale justifiant la mesure est transmise au Juge des Libertés et de la Détention.

– Un registre est tenu dans chaque établissement de santé autorisé en psychiatrie et désigné par le directeur général de l’Agence Régionale de Santé pour assurer des soins psychiatriques sans consentement en application du I de l’article L. 3222-1. Pour chaque mesure d’isolement ou de contention, ce registre mentionne le nom du psychiatre ayant décidé cette mesure, sa date et son heure, sa durée et le nom des professionnels de santé l’ayant surveillée. Le registre, qui doit être établi sous forme numérique, doit être présenté, sur leur demande, au Juge des Libertés et de la Détention, à la Commission Départementale des Soins Psychiatriques, au Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté ou à ses délégués et aux parlementaires.

– Dans le cadre de sa responsabilité en matière de qualité et de sécurité des soins, la CME de tout établissement autorisé en psychiatrie établit annuellement et en synergie avec la direction de soins un rapport validé par l’établissement rendant compte de la politique générale définie en matière de soins sans consentement, et notamment en matière de réduction déterminée des pratiques de contention et d’isolement évaluées mensuellement, et de leur évolution. Ce rapport est transmis pour information au Juge des Libertés et de la Détention, à l’Agence Régionale de Santé, et pour avis à la Commission Des Usagers prévue à l’article L. 1112-3 et au conseil de surveillance prévu à l’article L. 6143-1.

Les membres du groupe ressource sont :
– Charles ALEZRAH, Psychiatre, Président du CREAI-ORS Occitanie;
– Claude FINKELSTEIN, Présidente FNAPSY;
– Radoine HAOUI, Président de CME, Centre Hospitalier Marchant à Toulouse;
– Jean-Paul LANQUETIN, Infirmier, Groupe de Recherche en Soins Infirmiers;
– Christian MULLER, Président de la Conférence nationale des présidents de CME de CHS;
– Annick PERRIN-NIQUET, Présidente du CEFI-PSY
– Marie-Noëlle PETIT, Présidente de l’ANPCME
– Christophe SCHMITT, Président de CME, Centre Hospitalier Jury et Lorquin à Metz
– Jean-Louis SENON, PUPH, Président du GT Psychiatrie FHF
– Michel TRIANTAFYLLOU, Psychiatre, Chef de pôle, GHU Paris Psychiatrie et NeuroSciences.

Préconisations de modifications de l’article L.3222-5-1 du code la santé publique, Conférence nationale des présidents de CME-CHS, 17 septembre 2020, Télécharger le communique en pdf.