Actualités

30/10
2020

Heures supplémentaires à l’hôpital : 214 M€ d’heures indemnisées et 18 millions d’heures stockées

À la demande de la commission des finances de l’Assemblée nationale, la Cour des comptes a enquêté sur les heures supplémentaires dans la fonction publique. Dans la fonction publique hospitalière, le montant des heures indemnisées représente 214 M€ et le volume d’heures stockées atteint 18 millions d’heures.

Une très grande majorité des 214 M€ a été perçue par des agents de catégorie A (catégorie comportant notamment les infirmiers) et C (catégorie comportant notamment les aides-soignants) : 119 M€ (soit 56 %) par les agents de catégorie A, 65 M€ (30 %) par ceux de catégorie C et le reste par ceux de catégorie B. Pour les agents ayant perçu une indemnité pour avoir effectué au moins une heure supplémentaire, ces sommes représentaient en 2018 en moyenne 745 € par agent de catégorie A, 601 € par agent de catégorie B et 389 € par agent de catégorie C. Toutes catégories confondues, une indemnisation moyenne de 578 € a été perçue en 2018 par chaque agent de la fonction publique hospitalière ayant été indemnisé pour avoir effectué au moins une heure supplémentaire.
Bien plus que dans la fonction publique territoriale, la compensation des heures supplémentaires est principalement réalisée par la récupération et le stockage au sein de la fonction publique hospitalière. Ainsi, en 2018, 29,5 % des heures supplémentaires réalisées ont été indemnisées, tandis que 35,6 % ont été récupérées, 34,3 % stockées et 0,5 % écrêtées.

Les heures supplémentaires dites « récupérées » doivent l’être dans le courant de l’année. Si elles répondent bien à la définition des heures supplémentaires (elles sont réalisées au-delà du cycle habituel de travail), elles ne conduisent pas nécessairement à dépasser le temps de travail annuel de référence. Ces heures ne sont pas toujours connues de la direction des ressources humaines de l’établissement puisqu’elles sont directement gérées par le cadre de proximité, au sein des services de soins.
Dans la plupart des établissements, la procédure de récupération est une opération neutre sur le plan budgétaire. En effet, les heures récupérées ne sont généralement pas majorées (contrairement aux heures supplémentaires payées). Une « surcompensation » semble toutefois exister dans certains établissements. Bien que conforme à la réglementation, cette surcompensation représente un coût supplémentaire pour l’établissement.
L’absence de vision consolidée sur l’évolution du nombre d’heures récupérées, peu problématique sur le plan budgétaire, l’est davantage sur le plan de la gestion et sur le plan social. En effet, une augmentation des heures récupérées est notamment le reflet d’une augmentation de la fréquence des changements dans les plannings des agents.

Les heures supplémentaires ni indemnisées ni récupérées, « stockées » au 31 décembre, sont considérées comme une « bombe à retardement cachée » par le rapport Laurent (1). L’hétérogénéité est grande d’un établissement à l’autre. Ce constat est largement confirmé dans les hôpitaux rencontrés par la Cour dans le cadre de l’enquête. Le stock d’heures recensées dans un établissement a pu s’avérer plus important que celui d’un autre dont la masse salariale est six fois supérieure. Par ailleurs, ces diligences ont confirmé que certains établissements n’étaient pas en mesure de suivre ce stock.
Au niveau national, il semble que le stock soit orienté à la hausse. Sur la base des données de l’Atih (seule source retraçant nationalement cette information), le stock est passé de 10,3 millions d’heures en 2013 à 14,8 millions en 2018, avec un point haut de 15,4 millions atteint en 2017. Comme précédemment, la Cour a redressé ces données pour obtenir le chiffre de 16,6 millions d’heures supplémentaires ni récupérées ni indemnisées en 2018 au périmètre du bilan social consolidé par l’Atih, chiffre qui atteint 20,2 millions au périmètre de la statistique annuelle des établissements de santé (ensemble des établissements publics de santé).

Par ailleurs dans le contexte actuel de pandémie et comme prévu par le ministère des Solidarités et de la santé, les heures supplémentaires effectuées par certains agents affectés dans les établissements publics de santé et dans les établissements publics locaux accueillant des personnes âgées et handicapées relevant de la fonction publique hospitalière seront compensées sous la forme « de la seule indemnisation« . Une mesure, détaillée dans un décret publié au Journal officiel du 30 octobre, qui entre en vigueur pour la période du 1er octobre au 31 décembre. Elle concerne également le travail effectué de nuit, le dimanche ou les jours fériés.

(1) Rapport sur le temps de travail dans la fonction publique, établi par P. Laurent, mai 2016.