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26/08
2021

Handicap : la France doit intégrer l’approche fondée sur les droits de l’Homme

S’il salue des avancées, le Comité des droits des personnes handicapées de l’ONU estime que la France ne respecte pas ses engagements internationaux. Il dénonce une approche du handicap qui reste « médicale » et non basée sur les droits de l’Homme.

Du 18 au 23 août, le Comité des droits des personnes handicapées des Nations-Unies a auditionné la France sur les politiques publiques en faveur du handicap. Cette audition intervenait dans le cadre de la procédure de contrôle de mise en œuvre de la Convention internationale des droits des personnes handicapées (CIDPH), ratifiée par le pays en 2010. La France avait rendu son rapport initial en mai 2016 et a répondu à un questionnaire complémentaire en septembre 2020. Cette audition était l’étape ultime de ce premier rapport périodique. Un communiqué du Comité reprend les éléments clés des débats (ci-dessous).

Les mesures prises par la France ne traduisent pas le modèle du handicap basé sur les droits de l’homme qui est défendu par la Convention relative aux droits des personnes handicapées. D’autres stratégies françaises liées au handicap, telle que la feuille de route de 2018 pour la santé mentale et la psychiatrie, se réfèrent encore au modèle médical du handicap, alors qu’il est reconnu comme étant discriminatoire, a regretté un membre du Comité des droits des personnes handicapées lors de l’examen du rapport initial de la France, qui se tenait depuis la semaine dernière et a pris fin cet après-midi.

Cet expert – M. Jonas Ruskus, qui faisait office de rapporteur du Comité pour l’examen du rapport de la France – s’est dit déçu par les niveaux de discrimination structurelle à l’encontre des personnes en situation de handicap en France et a jugé très préoccupant que la France n’ait pas pour objectif de mettre fin à l’institutionnalisation de personnes handicapées, y compris d’enfants. Également très préoccupants sont les dispositifs d’hospitalisation et de traitement sous contrainte basés sur la pathologisation du comportement, a-t-il ajouté. Il a espéré que la France passerait au modèle du handicap basé sur les droits de l’homme.

Pendant le débat avec la délégation française – qui était conduite par Mme Sophie Cluzel, Secrétaire d’État chargée des personnes handicapées auprès du Premier Ministre – les experts du Comité ont aussi soulevé la question du transfert en Belgique, à des fins de traitement, d’enfants et d’adultes atteints du syndrome de Down. À cet égard, Mme Cluzel a indiqué que le Gouvernement créerait des solutions d’accueil pour stopper les départs non consentis de Français en situation de handicap vers la Belgique, intolérables pour un pays comme la France.

Mme Cluzel a aussi précisé qu’en France, le handicap était considéré comme le résultat de l’interaction entre la personne atteinte d’une déficience et les obstacles extérieurs à cette personne. Deux facteurs sont donc pris en compte : les conséquences des problèmes de la personne ; et l’inadaptation de la cité ou de l’environnement. En ce sens, la définition retenue par la France s’inscrit parfaitement dans le respect de la Convention, a affirmé Mme Cluzel. La Secrétaire d’État a indiqué que la France faisait avancer les droits des personnes à chaque étape de la vie grâce à des parcours de soins adaptés et à un accès aux droits simplifié.

Des questions ayant porté sur la position de la France s’agissant du projet de protocole additionnel à la Convention d’Oviedo, la délégation a précisé que son pays avait demandé que le projet soit modifié pour y inclure, notamment, la mention d’une extinction progressive du recours aux soins sans consentement, à l’isolement et à la contention. Il est inexact de prétendre que la France serait permissive quant au contrôle des situations de privation de liberté, a assuré la délégation : toutes ces pratiques s’exercent sous le contrôle du juge des libertés et de la détention, qui peut lever à tout moment ces mesures.

Mme Claire Hédon, Défenseure des droits, a pour sa part regretté que la France n’ait pas encore pris pleinement en considération la nouvelle approche fondée sur les droits induite par la Convention. Les discriminations à l’égard des personnes handicapées constituent le premier motif de saisine du Défenseur des droits en matière de discrimination, a-t-elle indiqué.

Mme Magali Lafourcade, Secrétaire générale de la Commission nationale consultative des droits de l’homme, a, quant à elle, encouragé le Gouvernement à appliquer un plan stratégique pour rendre la législation conforme à la Convention, à commencer par la définition du handicap ; et à revoir la juste représentation des personnes handicapées, y compris les enfants, dans les instances de décision et de consultation.

La délégation française était également composée de M. François Rivasseau, Représentant permanent de la France auprès des Nations Unies à Genève, ainsi que de nombreux fonctionnaires représentant – notamment – le Comité interministériel du handicap et les Ministères des solidarités et de la santé ; du travail, de l’emploi et de l’insertion ; de la transformation et de la fonction publique ; de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports ; et de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.

Au cours du dialogue, le Comité a salué certains progrès accomplis par la France, notamment la modification du Code du travail obligeant les employeurs à prendre des mesures d’aménagement raisonnable et assimilant le refus d’obtempérer en la matière à une discrimination fondée sur le handicap. Ont aussi été saluées la stratégie pour l’emploi des personnes handicapées et la loi d’orientation destinée à favoriser l’autonomie des personnes handicapées.

En savoir plus : «La France n’a pas encore intégré l’approche du handicap fondée sur les droits de l’homme, regrette le Comité des droits des personnes handicapées», communiqué intégral à lire sur le site du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme.

Lire aussi «Convention ONU : le Collectif Handicaps appelle l’Etat français à rattraper son retard pour garantir une société non-discriminante», communiqué du Collectif Handicaps

Lire aussi le communiqué du secrétariat d’Etat chargé des personnes handicapées : «Audition de la France par les Nations Unies : poursuivre la mobilisation pour inscrire durablement l’approche par les droits des personnes handicapées», en pdf.