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19/07
2023

IPA en soins primaires : un exercice semé d’embûches

L’objectif principal de cette étude était de documenter l’implantation des IPA en soins primaires, et plus spécifiquement en Maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP). L’enquête cherchait à objectiver les effets de l’introduction des IPA – certaines exerçant aussi en tant qu’infirmière Asalée (Action de santé libérale en équipe) – en MSP sur les relations entre les soignants, et la recomposition des frontières entre les groupes professionnels : médecins, mais aussi autres professions paramédicales exerçant en MSP (infirmières libérales, diététiciennes…), voire avec des professionnels exerçant dans d’autres secteurs de soins (hôpital, structures libérales, établissements médico-sociaux).

« Le rôle de l’IPA, rappelons-le est conçu comme un des leviers essentiels de la nouvelle organisation du travail pour faire face aux déserts médicaux, en délestant les médecins de certaines tâches et en participant, voire en organisant les parcours de soins. »

Ce rapport se décompose en deux parties :
la première se centre sur le point de vue des premières promotions d’IPA exerçant en ville et sur les conditions d’entrée dans la pratique avancée. On y analyse les conditions de travail précaires des IPA en soins primaires, qu’elles soient libérales ou salariées, et la dégradation de leurs conditions d’exercice, due notamment au cumul d’activité et à l’augmentation de leur temps de travail. Cette dégradation apparaît aussi comme le produit de leurs relations de travail avec les autres professionnels de soins primaires : faiblement investies par la profession médicale, parfois perçues comme des concurrentes par les infirmières libérales et constatant que leur droit de prescrire est faiblement reconnu, les IPA sont constamment obligées de prouver le bienfondé de leur activité auprès des autres professionnels. Pour autant, elles disent trouver un épanouissement professionnel à exercer leurs nouvelles tâches.

La seconde partie vise à documenter l’intégration des IPA en maison de santé à partir d’une étude de cas réalisée dans une MSP parisienne. En adoptant le point de vue des professionnels avec lesquels l’IPA travaille, il s’agit de comprendre comment son intégration au sein d’une équipe de soins primaires modifie les relations de travail, la répartition des tâches et comment s’organisent les flux de patients entre les différents professionnels.

Les résultats des deux volets de l’enquête permettent d’envisager les conditions qui doivent être réunies pour favoriser l’implémentation durable des IPA en ville. En voici les conclusions.

Le développement des IPA en soins primaires est actuellement ralenti par différents obstacles.

  • Alors que la reprise des études traduit un investissement personnel, temporel et financier particulièrement important, les IPA constatent au début de leur exercice une dégradation de leurs conditions de travail. Celle-ci justifie bien souvent l’engagement des personnes interrogées dans une activité syndicale, quand bien même elles ne possèdent pas de culture militante.
  • Au-delà du modèle économique qui pose des questions en tant que tel, les relations avec les autres groupes professionnels supposent, pour les IPA, un travail supplémentaire visant à construire leur périmètre d’activité sans empiéter sur celui des autres, tout en faisant reconnaître leurs droits, notamment en matière de prescription.
  • Le cas de certaines infirmières laisse entrevoir quelques raisons d’espérer une amélioration, sous réserve de la réunion de certaines conditions. En particulier, il semble nécessaire de construire une collaboration poussée avec un ou plusieurs médecins, de manière à ce que celui-ci adresse, sans opérer un tri préalable, ses patients à l’IPA. Doté d’une autorité forte, le médecin possède la capacité d’accroître la légitimité de l’IPA en inscrivant lui-même les premiers rendez-vous avec l’IPA.

• Les rapports de L’IRDES – n° 588 • juillet 2023. Une analyse du déploiement des infirmières en pratique avancée exerçant en soins primaires sur le territoire francilien, Vincent Schlegel (Irdes, Cresppa-CSU).

• A lire aussi : « IPA : la difficile construction d’une profession à l’exercice fragile », IRDES, avril 2023.