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24/06
2016

Soins sans consentement : pourquoi augmentent-ils ?

Les hospitalisations sans consentement ont connu une importante augmentation ces dernières années. Mais derrière les statistiques, les causes en restent pour l’heure indéterminées. Une enquête en cours, notamment, sur les soins sans consentement sur décision du représentant de l’État (SDRE) devrait apporter prochainement de premières réponses. Une analyse de Caroline Cordier, Hospimedia, 17 juin 2016.

L’analyse

Comme le pointait déjà en 2012 le contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) de l’époque, Jean-Marie Delarue, une augmentation « troublante » des hospitalisations sans consentement sautait aux yeux de qui s’intéressait sur les années récentes à ces données statistiques. Ainsi, entre 2006 et 2011, les hospitalisations à la demande d’un tiers (HDT, 1) sont passées de 44 000 à près de 64 000 et les hospitalisations d’office (HO, 2) de 10 500 à 15 500, détaillait-il, citant des données de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), également reprises dans le rapport annuel d’activité du CGLPL. « J’ai du mal à croire que la prévalence des maladies mentales soit en telle expansion« , confiait-il alors à l’auditoire d’un colloque sur l’application de la loi du 5 juillet 2011 au Palais de justice de Paris. En effet, de telles augmentations laissent perplexe et font s’interroger sur les causes de cette inflation des mesures. Mais cette interrogation se heurte en premier lieu à la difficulté de trouver des données. En effet, celles-ci commencent seulement à être diffusées, à la faveur notamment de la récente juridiciarisation du contrôle des mesures de soins sans consentement. Ainsi, des statistiques sur les soins sans consentement en psychiatrie, produites par le pôle d’évaluation de la justice civile (PECS) à la direction des affaires civiles et du Sceau du ministère de la Justice, sont désormais disponibles chaque année. Elles permettent ainsi de suivre le nombre de mesures contrôlées mais sans pour autant éclairer sur les causes des évolutions qui transparaissent des tableaux statistiques. Autre signe du caractère récent de la publicité des données, ce n’est qu’en 2014 que l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé (Irdes) a réalisé un premier état des lieux des hospitalisés sans consentement en s’appuyant sur les données 2010 issues du recueil d’information médicalisé en psychiatrie (Rim-P).
Une approche épidémiologique facilitée au fil des années
L’Irdes expliquait alors que « depuis quelques années, plusieurs sources sont désormais disponibles pour comptabiliser les mesures de soins sans consentement« . Mais de mettre immédiatement en garde : « Plus ou moins récentes, d’une exhaustivité et d’une qualité variables, mobilisant des concepts différents, [ces sources] appellent la plus grande prudence dans leur exploitation et leur interprétation« . L’institut se voulait néanmoins optimiste sur l’interprétation des données à l’avenir. L’amélioration croissante des systèmes d’information en psychiatrie et les appariements aujourd’hui possibles avec les données des soins de ville autorisent l’analyse des parcours de soins en psychiatrie sur plusieurs années, soulignait alors l’Irdes. « Ils permettront aussi à court terme de réaliser le volet quantitatif d’une telle évaluation et de compléter ce premier état des lieux« , poursuivait le rapport. Et selon les informations recueillies par Hospimedia, des statistiques précises sur les mesures de soins sous contrainte pour les années 2013 et 2014 seraient précisément en cours de réalisation par les administrations centrales du ministère de la Santé, afin que ces dernières mais aussi les acteurs du secteur aient une meilleure connaissance des enjeux qui se posent sur les mesures de soins sans consentement. Des statistiques qui devraient être disponibles à l’automne 2016…
Grande variabilité territoriale des hospitalisations sous contrainte

En parallèle, une enquête sur les SDRE (anciennement appelées HO) a été lancée dans quatre régions françaises (Nord-Pas-de-Calais, Île-de-France, Aquitaine et Provence-Alpes-Côte-d’Azur) par le Centre collaborateur de l’Organisation mondiale de la santé (CCOMS) français. Ceci, en collaboration avec la Fédération régionale de recherche en santé mentale (F2RSM) du Nord-Pas-de-Calais, l’Association nationale pour la clinique, la recherche et l’enseignement en psychiatrie (ANCREPSY) et l’Association pour l’évaluation et la formation continue des psychiatres (AEFCP). Cette enquête, sur plusieurs années, recueille des données épidémiologiques et socio-démographiques sur les hospitalisations et évalue les politiques et pratiques à l’échelle nationale, afin de formuler des recommandations et des formations pour les politiques et les professionnels. Il s’agit de « promouvoir à partir de ces données une politique de prévention de l’HO et d’élaborer des principes de bonnes conduites, voire un référentiel sur le suivi et la prévention des HO« , explique le CCOMS sur son site Internet. Par ailleurs, le CCOMS a été alerté par le fait que « les données des Commissions départementales de l’hospitalisation en psychiatrie (CDHP) font apparaître une grande variabilité interdépartementale des taux d’HO (facteur allant de 1 à 9,8 en 2007)« . Et l’hypothèse sous-jacente à cette enquête est d’ailleurs que la variabilité de recours à ces hospitalisations « n’est pas en rapport avec la sévérité des troubles présentés par les patients mais le fait de pratiques et d’habitudes locales« . Sollicitée par Hospimedia, la direction du CCOMS fait savoir qu’il est encore trop tôt pour évoquer les conclusions de cette enquête mais que de premiers éléments devraient être connus d’ici à la fin 2016. Ce travail, qui se révèlera à terme sans nul doute riche d’enseignements et d’une grande utilité pour les acteurs du secteur, permettra ainsi certainement d’obtenir une ou des typologies des personnes entrant en SDRE et étudier leur devenir en lien avec les « pratiques locales« . Il devrait également, espère le CCOMS, contribuer à « modifier les pratiques vers une meilleure identification des personnes à risque afin de prévenir l’admission en HO/SDRE« . Et à mettre en place, le cas échéant, une politique de prévention des hospitalisations évitables.