« La profession de psychologue n’est pas reconnue à sa juste valeur »
Lors des questions orales au gouvernement au Sénat le 19 juin dernier, Laurence Cohen, sénatrice communiste du Val-de-Marne, a pointé le statut très précaire des psychologues en France. Alors que deux expérimentations sont en cours pour évaluer la possibilité d’un remboursement par l’Assurance maladie d’un suivi psychologique, les psychologues critiquent les conditions de ces prises en charge.
L’une de ces initiatives, appelée « Écout’Émoi », menée en Île-de-France, dans le Grand Est et dans les Pays de la Loire, permet a prise en charge de consultations psychologiques offertes aux enfants et adolescents de 11 à 21 ans. Tous les professionnels au contact des jeunes seront impliqués dans ces expérimentations, qu’il s’agisse des professionnels de santé, des professionnels de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur, ou des maisons des adolescents, qui coordonneront le dispositif sur le terrain. Une seconde expérimentation est portée par l’assurance maladie en Haute-Garonne, dans le Morbihan et dans les Bouches-du-Rhône. Elle porte sur la prise en charge des thérapies non médicamenteuses en médecine de ville pour les troubles en santé mentale d’intensité légère à modérée. Elle s’adresse aux adultes de 18 à 60 ans souffrant de trouble dépressif ou anxieux, de trouble de l’adaptation, d’intensité légère à modérée, ou de syndrome médical inexpliqué. Cette expérimentation propose aux patients de mener, après évaluation par un médecin, des séances de psychothérapie avec un psychologue clinicien ou un psychothérapeute. Dans les deux cas, les séances seront prises en charge par l’assurance maladie dans le cadre du dispositif expérimental. Mais le taux de remboursement proposé pour ces consultations, entre 22 et 32 euros, est très bas.
S’adressant à Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé, Laurence Cohen regrettait que « les professionnels concernés, à savoir les psychologues, n’aient pas été associés à ces démarches et ne le soient toujours pas. Mes remarques font écho à celles des psychologues eux-mêmes. En effet, ce procédé choque à juste titre la profession, qui y voit un acte de mépris, un manque de reconnaissance, voire une mise sous tutelle médicale. Les psychologues ne seraient-ils donc pas assez légitimes pour évaluer par eux-mêmes la souffrance psychique et proposer des solutions ? Cette situation apparaît en contradiction avec le code de la santé publique : son article L. 3221–1, issu de la récente loi de modernisation de notre système de santé, reconnaît clairement la place des psychologues. » Et de demander : « C’est pourquoi je voudrais savoir, madame la ministre, comment vous comptez associer les psychologues à ces expérimentations de façon à sortir d’une vision médico-centrée de la prise en charge psychologique ? »
Détaillant les deux dispositifs expérimentaux mis en place par le gouvernement, Agnès Buzyn a ainsi répondu : « Nous innovons aujourd’hui en expérimentant d’autres modalités de prise en charge. Ces deux dispositifs expérimentaux vont faire l’objet d’évaluations scientifiques avec l’ensemble des acteurs impliqués ; les résultats de ces évaluations permettront d’élaborer des recommandations en cas de généralisation. »
« Malheureusement, (les psychologues) ne se sentent pas associés à ces expérimentations et à ces démarches, a réagi Laurence Cohen. Je vous demande simplement de les recevoir : il faut que les évaluations scientifiques et les collectifs qui pourront être mis sur pied associent les professionnels concernés. Bien trop souvent, beaucoup d’entre eux se sentent rejetés des commissions d’experts réunis par le ministère de la santé. Je veux en outre rappeler que la profession de psychologue n’est pas reconnue à sa juste valeur, et ce à tous les niveaux. Une très grande majorité des 36 000 psychologues qui exercent en France sont des femmes, et leurs statuts sont très précaires. Je le répète : il faut que cette profession soit reconnue et soit associée au diagnostic, sans être placée sous une tutelle médicale. » Laurence Cohen a appelé à revaloriser ce métier, du point de vue du salaire mais aussi sur le plan du statut.