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1/03
2019

En marge des certitudes, la recherche en soins

Dans un contexte difficile pour la psychiatrie, la recherche en soins confirme son dynamisme et son rayonnement. Aperçu et ambiance des 5es Rencontres de la recherche en soins en psychiatrie, par Dominique Friard, superviseur d’équipes.

La recherche en soin en psychiatrie s’enracine tranquillement dans le champ des sciences humaines. Cette 5e édition des Rencontres de la recherche en soins en psychiatrie (1) l’a amplement illustré. Organisées les 31 janvier et 1er février 2019 à Ecully, près de Lyon, sous l’impulsion de Jean-Paul Lanquetin, président du Groupe de recherche en soins infirmiers (GRSI) (Centre hospitalier de Saint-Cyr-au-Mont-D’or), ces journées ont rassemblé quelque 200 participants venus de toute la France et des pays francophones. Parmi eux, beaucoup de fidèles qui ne rateraient ce rendez-vous annuel pour rien au monde.

Des retrouvailles
« Alors, où en êtes-vous dans votre recherche ? Avez-vous avancé ?
– Pas trop. On n’a pas pu poursuivre au même rythme. Faut dire que dans l’institution, ça bloque un peu. Et vous ?
– On recueille nos premiers question-naires. Vous nous aviez beaucoup inspirés l’année dernière. Votre enthousiasme a été contagieux. On pourrait peut-être échanger par mails, histoire de se soutenir les uns les autres.
– Bonne idée. Parfois, on se sent un peu seuls dans nos institutions. Il suffit de peu de choses pour retrouver la motivation. »

Lors des pauses, on s’informe des recherches en cours comme on se donnerait des nouvelles des enfants. Une sympathique émulation rapproche les participants et nourrit les travaux. Ces échanges informels chers à Jean-Paul Lanquetin (2), colorent ces Rencontres qui sont de plus en plus souvent des retrouvailles.

Des sciences humaines

Si le prochain avènement de la pratique avancée infirmière en psychiatrie a été source de nombreuses inquiétudes dans les travées, les sciences humaines convoquées en début de colloque ont apporté une certaine sérénité à l’assemblée.

– Philippe Svandra, ancien cadre de santé, docteur en philosophie, et chargé de cours à l’Université Paris-Est-Val-de-Marne, a brillamment différencié les recherches qui visent à expliquer et celles qui cherchent à comprendre. Ses considérations épistémo-logiques et éthiques ont suscité quelques désaccords et soulevé de nombreuses questions, que se posent tout chercheur et clinicien.
– L’historienne Aude Fauvel, maître d’enseignement et de recherche à Lausanne lui a succédé. Elle a mis en avant l’invisibilité historique des infirmières. En présentant un bilan de ce que les historiens ne savent pas du rôle des « concierges », des « gardiens », puis des « infirmiers » dans l’évolution des pratiques et des savoirs psy, elle a montré l’attitude désinvolte des universitaires qui travaillent sur des archives mais ne lisent pas les écrits professionnels publiés par ces mêmes infirmiers. Cette attitude explique peut-être que les soignants eux-mêmes investissent si peu leur histoire et surtout que les propositions d’évolution universitaire des infirmiers se heurtent à un véritable plafond de verre.

– Amélie Perron, infirmière, docteur en philosophie, professeur agrégée à l’École des sciences infirmières de l’Université d’Ottawa, cofondatrice de l’Observatoire infirmier du Canada, a pris position pour une culture de la « désobéissance » dans les soins infirmiers et invité les participants à résider en marge des certitudes. Sa conception de la pratique avancée se situe aux antipodes d’une démarche reposant uniquement sur des savoirs de type médicaux, qui n’ouvrent pas réellement au soin. Après un silence recueilli, une salve d’applaudissements a salué cette prestation.
L’intervention auprès des proches aidants
Chaque année, une thématique (au moins) se détache. Si pendant longtemps, la  psychiatrie semble s’être peu souciée des proches du patient, ce n’est plus le cas. Aujourd’hui, pas moins de trois recherches en soins s’intéressent aux interventions précoces brèves auprès des proches aidants de patients souffrant de troubles psychiatriques. Les réflexions qui y mènent sont différentes, les outils proposés également mais ils se rejoignent dans une même volonté de soutien concret.
– Shyhrete Rexhaj, infirmière, docteur en philosophie à Lausanne, a décrit un soutien individualisé en 5 séances.
Deux posters présentaient également des travaux en cours sur cette thématique :
– Alexandre Castanet, infirmier aux Urgences de Purpan, réalise avec ses collégues une étude pilote qui décrit l’effet d’un dispositif d’intervention précoce infirmier sur le vécu des personnes « tiers » participant à la 1re hospitalisation en psychiatrie sous contrainte d’un proche.
– Palmyre Andrianisaina, infirmière à l’EPS Ville-Evrard, développe avec des colègues une procédure d’accueil des familles de patients hospitalisés en psychiatrie pour un épisode psychotique.
Vivement l’année prochaine !
1– En savoir plus : www.rrspsy.fr
2– JP Lanquetin est l’auteur, avec S. Tchukriel, de : Impact de l’informel dans le travail infirmier en psychiatrie, février 2012, GRSI. Contact : grsi@ch-st-cyr69.fr