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25/08
2020

Enfant agité : quels parcours de soin et de vie ?

Comment se construisent les trajectoires médicales, scolaires, administratives et familiales d’enfants considérés comme « agités » ? Selon une recherche financée par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), et mise en ligne sur son site, ces trajectoires varient en fonction des difficultés spécifiques des enfants, mais aussi des types de prise en charge et des contextes sociaux et familiaux.

La définition des problèmes d’agitation chez les enfants et de leur traitement fait l’objet de nombreuses controverses : différentes approches scientifiques et professionnelles s’opposent, mettant en question les pratiques de prise en charge, notamment le recours aux médicaments.

Les chercheurs ont fait le choix de ne pas prendre parti pour l’une ou l’autre des approches professionnelles. Leur but était de donner à voir la manière dont les comportements perturbants des enfants sont nommés, pensés et traités par les différents acteurs concernés. Pour cela, ils ont mené de nombreux entretiens et observations auprès des enfants et de leur entourage, des professionnels des centres de soin, des écoles et des maisons départementales de personnes handicapées.

Le premier point qui ressort de cette recherche est la diversité des pratiques et des conceptions concernant les bonnes manières de répondre aux comportements des enfants. Ces pratiques donnent lieu à des négociations entre parents et professionnels de différents secteurs et de différentes spécialités et formations. L’existence d’une forte opposition entre les tenants d’une approche psychodynamique et ceux s’appuyant sur des connaissances développées par la neurologie et les théories comportementalistes est souvent mise en avant. Les enquêtes montrent que ces oppositions sont beaucoup moins tranchées dans la réalité des pratiques que dans les discours. Elles permettent de reconstituer, pour chaque lieu de soin, une configuration relationnelle, c’est-à-dire un ensemble de relations plus ou moins stabilisées entre des types de problèmes présentés par les enfants, des styles professionnels, des genres de familles, des alliances entre enfants, familles et professionnels et des types de parcours scolaire. Ces configurations relationnelles sont inscrites dans le contexte des relations locales établies entre acteurs de soin, scolaires, administratifs et du travail social. Leur analyse permet de comprendre comment les pratiques d’orientation des enfants sont imbriquées dans des rapports sociaux.

Cette recherche montre également comment les trajectoires des enfants se différencient selon les ressources familiales. Les familles les plus dotées socialement ont en commun d’avoir une vision globale de l’offre professionnelle et d’attacher du prix aux classements scolaires. Certaines d’entre elles investissent des diagnostics (comme le TDA/H – trouble de déficit de l’attention/hyperactivité) qui leur permettent de normaliser la trajectoire de l’enfant ; d’autres rejettent ces diagnostics, associés aux médicaments et à des étiquettes réductrices, et adhèrent aux approches psychodynamiques. Les familles des classes populaires insistent sur leur volonté de trouver une place acceptable pour l’enfant en lui évitant diverses formes d’injustice. Certaines d’entre elles souhaitent avant tout éviter les plaintes de l’école et la stigmatisation de l’enfant, au prix éventuellement d’une inscription dans des filières dévalorisées, voire d’une sortie du système scolaire. D’autres mettent en avant le maintien dans l’école ordinaire, s’appuyant sur les soins et les droits liés à la reconnaissance d’un handicap.

Pour plus d’information sur ce projet :
– BÉLIARD A., EIDELIMAN J., FANSTEN M., et al. « Enfants agités, familles bouleversées. Enjeux et usages familiaux du diagnostic de TDA/H » Sciences sociales et santé, vol. 37(1), p. 5-29, 2019.
– BÉLIARD A, EIDELIMAN J., FANSTEN M., et al. « Le TDA/H, un diagnostic qui agite les familles. Les quêtes diagnostiques autour d’enfants agités, entre rupture et continuité », Anthropologie & Santé, 17, 2018.

À propos des laboratoires

Ce travail de recherche est le fruit d’une coopération entre trois unités de recherche :
– CERMES3 : Centre de recherche, médecine, sciences, santé, santé mentale, société : http://www.cermes3.cnrs.fr/fr/
– CeRIES : Centre de recherche « Individus, Épreuves, Sociétés » : https://ceries.univ-lille.fr/
– CERLIS : Centre de recherche sur les liens sociaux : http://www.cerlis.eu/le-cerlis/

Ce projet a également donné lieu à une collaboration avec des équipes brésilienne et chilienne ainsi qu’à la création d’un réseau pluridisciplinaire et international appelé « Non conformes » : https://nonconformes.org/