Des usagers « à livre ouvert »
Qui mieux que la personne souffrant de troubles psychiques pour faire part de son parcours, de ses difficultés face à une société stigmatisante ? Au CATTP de Meudon, un projet de
« bibliothèque vivante » a permis à des usagers de s’imaginer en « livre ouvert », pour témoigner de leur vécu et aller à la rencontre des lecteurs de la médiathèque locale. Retour d’expérience raconté par Martine Mignotte Cadre Supérieure de santé.
Cadre supérieure de santé, j’aimerais partager l’expérience d’une équipe pluridisciplinaire (médecin, infirmiers, ergothérapeute, neuropsychologue, cadre de santé) de CATTP. Nouvellement arrivée dans l’équipe, j’avais à cœur de fédérer les soignants autour d’un nouveau projet. Après concertation, nous nous sommes saisis d’une idée intitulée «la bibliothèque vivante», proposée et accompagnée par la direction des soins de l’établissement en partenariat avec l’ARS.
Pour rappel, les visiteurs d’une bibliothèque vivante sont invités à consulter un catalogue, sélectionner un livre vivant et l’emprunter pour un temps déterminé. Les « livres » sont des personnes et leurs pages sont parcourues au gré d’une conversation. Les « lectures » sont des temps en tête à tête. Les objectifs sont de :
• sensibiliser le public aux stéréotypes et aux préjugés, ainsi qu’à leurs conséquences négatives sur les individus et la société dans son ensemble ;
• aborder des problématiques actuelles (diversité, handicap, racisme, antisémitisme, homophobie, droits humains, égalité femme-homme, …) à travers des histoires personnelles ;
• faciliter la rencontre en dépassant la peur d’aller vers l’Autre.
Une représentation sociale dévastatrice
Dans notre projet, il s’agissait donc de permettre aux patients de témoigner de leur expérience du trouble psychique, comme s’ils étaient eux-mêmes des « livres ouverts », pour des lecteurs souhaitant consulter quelques chapitres de leur vie ou les questionner et ce, dans un lieu symbolique de savoir, de connaissances : la médiathèque.
Au CATTP de Meudon, cette idée nous a rapidement conquis, car nous constatons chaque jour que la pathologie mentale n’est pas une « simple » maladie chronique, bien au contraire, elle semble être une des plus difficile à vivre. Notre expérience professionnelle, nos observations, nos accompagnements nous ont appris que ces pathologies sont souvent vécues comme « une double peine ». En effet, d’une part elles impliquent un suivi au long court et d’autre part, elles véhiculent une représentation sociale épouvantable, dévastatrice, impactant directement la légitimité sociale, et la dignité du patient.
Qui mieux que celui qui en est porteur pour faire part de l’histoire de sa maladie, de son vécu, de son ressenti et ce au sein de cette société normative n’épargnant rien aux personnes différentes ? Souvent seul face à la pression standardisée et conventionnelle, ne faut-il pas une sacrée dose de courage pour se mettre en avant alors que l’on souffre d’une pathologie mentale ?