A lire – De la blouse blanche à la toge universitaire : voyage au coeur du soin infirmier

Un ouvrage comme un modèle des soins et du travail relationnel en psychiatrie. Dominique Friard, infirmier de secteur psychiatrique, formateur, superviseur d’équipes et épistémologue, nous propose un voyage au coeur de la pratique soignante. La posture de l’auteur, revendiquée, « ne sera pas celle du scientifique qui, impavide, regarde s’agiter un organisme au microscope. Je suis l’observateur et l’observé, le microscope et le bouillon de culture qui permet à l’organisme de se développer. »

De la blouse blanche à la toge universitaire, le chemin a été long et semé d’embûches pour les infirmières. La création d’une section universitaire dite de « sciences infirmières » pose pourtant de nombreuses questions. Quel est l’objet de cette nouvelle discipline ? Comment les infirmières de terrain peuvent-elles y participer ? Les chercheuses doivent-elles intégrer des laboratoires dédiés ou rester près des patients et des soignants ? Comment les savoirs disciplinaires peuvent-ils enrichir les pratiques de terrain ?

L’auteur, Dominique Friard, infirmier de secteur psychiatrique, formateur, superviseur d’équipes et épistémologue*, par ailleurs rédacteur en chef adjoint de la revue Santé Mentale, a publié de nombreux écrits et, en 2019, aux Éditions Seli Arslan le livre « J’aime les fous ». Dans la tête d’un infirmier psychiatrique. Dans ce nouvel ouvrage intitulé « Epistémologie du soin infirmier. De la blouse blanche à la toge universitaire« , il revient sur ces questions et explore la longue histoire vers un troisième cycle en soins. Il montre que la professionnalisation est passée par l’exclusion des infirmiers de secteur psychiatrique qui a eu pour effet de dévitaliser le soin, d’éloigner du cœur de la profession, le travail relationnel. Au-delà de ce constat, l’ouvrage bâtit des ponts entre l’approche du corps et celle de la réalité psychique, invite à les relier au bénéfice de la profession.

Le parcours épistémologique aboutit à une nouvelle définition du soin que Dominique Friard propose de nommer ainsi : « tout dispositif, simple ou complexe, profane, sacré ou savant, qui vise à prévenir, accompagner, soulager, intégrer voire dépasser la souffrance physique, psychique ou sociale d’un individu ou d’un collectif. Ce dispositif se définit par le contexte dans lequel un ou des opérateurs suffisamment engagés et reconnus en usent, voire en abusent, par la nature des interactions qui les relient à un suet ou à un groupe de sujets en souffrance, par l’objectif poursuivi par ces opérateurs, par le contenu de ces interactions et par la lecture théorico-clinique, même minimale qu’ils en font. Ce dispositif admet quatre dimensions : technique, relationnelle, éducative et sociale. Je nomme sciences du soin la discipline qui explore et théorise les phénomènes ainsi décrits« .

« Chaque soin implique un triple discours : ce qui se dit explicitement (la forme), ce qui se dit implicitement (le fond) et ce qui s’agit (le comportement, les gestes qui soutiennent ou infirment le discours) ».

Suite à cette nouvelle définition, l’auteur développe et passe ensuite au crible des situations de soin. Il s’agit de vérifier si elles résistent à l’objectif d’unifier la discipline et d’œuvrer à davantage l’ouvrir aux aspects relationnels, à la qualité de l’engagement du soignant, à sa capacité de s’exprimer en première personne. Orienter la recherche et l’écriture vers des récits sensibles, c’est en effet être plus à même de décrire la singularité de chaque rencontre, de chaque soin.

En conclusion, Dominique Friard nous livre ceci : « cette promenade dans la pensée de chercheurs en soin, contemporains ou non, ressemble à ces groupes d’épistémologie clinique imaginés par les concepteurs de l’anthropologie clinique. J’ai lu, parfois dévoré, commenté, annoté les contributions des uns et des autres. (…) Et je pense à tous ces auteurs de récits, d’écrits, de pensées, à découvrir, à critiquer, à tous ceux que je n’ai fait que citer sans entrer vraiment dans leur oeuvre… Le vertige me saisit devant l’ampleur de la tâche… mais c’est ainsi que la science avance. De la confrontation jaillit la lumière. Jamais de l’entre-soi. »

« Ma posture, tout au long de cet ouvrage, ne sera pas celle du scientifique qui, impavide, regarde s’agiter un organisme au microscope. Je suis l’observateur et l’observé, le microscope et le bouillon de culture qui permet à l’organisme de se développer »

*Epistémologie : domaine philosophique qui analyse, étudie et critique toutes les disciplines de la science, ainsi que leurs méthodes et leurs découvertes. 
• Epistémologie du soin infirmier. De la blouse blanche à la toge universitaire, Dominique Friard, Seli Arslan, mai 2021, 256 p, 24,50 €.