Le consentement aux soins, un processus dynamique et évolutif
Dans les situations de vulnérabilité psychique, lorsque le consentement aux soins n’est plus tout à fait possible, la recherche de l’«assentiment» et/ou de signes plus subtils de la volonté de la personne, est essentielle, selon le Comité consultatif national d’ethique (CCNE). Dans cet avis, il définit le consentement comme « un processus évolutif et dynamique », qui doit être un enjeu institutionnel majeur en santé et dans le médico-social et émet 9 recommandations. Résumé des auteurs.
Si le consentement bénéficie d’un cadre juridique clair qui le consacre en tant que droit et liberté fondamentale pour toute personne quel que soit le contexte (domicile, hôpital, établissement médico-social), sur le terrain, dans le quotidien, l’effectivité du recueil du consentement éclairé est souvent interrogée. De surcroit, les enjeux éthiques relatifs au consentement dans le soin ont évolué pour plusieurs raisons majeures. Du fait du développement de nouvelles techniques médicales multipliant les possibilités de dépistage, d’analyse, de diagnostic et de traitement, la finalité du consentement, sa portée, l’horizon médical qu’il introduit, sont de plus en plus complexes. Comment consentir à quelque chose que l’on ne comprend pas ou imparfaitement ? Dans quelle mesure le consentement est-il compatible avec les états de grande vulnérabilité? Comment décider pour autrui, dont la capacité à consentir est altérée ?
Dans ce contexte de grande complexité, le CCNE a souhaité aborder le consentement en dépassant la conception traditionnelle d’un consentement binaire (oui/non).
– Le consentement doit être considéré comme un processus évolutif et dynamique : il ne se donne pas une fois pour toutes, mais s’élabore et peut évoluer dans le cadre d’une relation fondée sur une confiance réciproque. Il s’adapte au gré du chemine-ment de la personne, de l’évolution de ses choix et de son état de santé, et peut se concrétiser par un refus qu’il faut respecter.
– Pour les personnes qui ont des difficultés à exprimer leur volonté, l’altération de l’autonomie psychique ne signifie pas la perte de toute autonomie. Elle n’interdit donc pas la recherche du consentement, bien au contraire, elle l’oblige d’autant plus et doit la rendre permanente. Lorsque le consentement n’est plus tout à fait possible, peuvent demeurer d’autres formes d’expression plus subtiles, moins formelles, d’une certaine volonté. Alors, la recherche de l’«assentiment» est essentielle chez les personnes qui sont dans l’incapacité partielle ou totale de consentir. Les soignants doivent ainsi apprendre à reconnaître, observer, décrire, interpréter, respecter l’assentiment d’un patient, et lui accorder une réelle valeur, indiscutable et contraignante dans la relation de soin pour le respect de l’autonomie de la personne accompagnée ou soignée.
– Pour les personnes qui ne sont pas en mesure de décider pour elles-mêmes, se pose la question déterminante de la décision pour autrui. Une relation de grande confiance préalablement engagée ou établie facilite bien entendu cette décision. Il apparait essentiel au CCNE d’accroître et de prioriser le rôle de la personne de confiance, pour une approche plus éthique du respect de la volonté, au titre de la «volonté prolongée» de la personne vulnérable.
Le CCNE émet des recommandations au terme de cet avis :
– Concevoir le consentement comme un processus dynamique et évolutif, facilitant le cheminement de la personne et incluant de possibles rétractations.
– Renforcer la formation initiale et continue des professionnels de santé et du social à l’information et à la communication, pour contribuer à l’effectivité du consentement
– Recourir à plusieurs outils lorsque la complexité de l’explication le nécessite: solliciter l’avis d’une personne extérieure et de nouveaux supports et outils d’information, recourir au numérique pour aider à l’expression et à la mémoire du processus de consentement.
– Faire de la traçabilité de l’information et du cheminement de la personne pour aboutir à son consentement ou son refus un élément de preuve primant sur la signature d’un formulaire de consentement pré-formaté.
– Reconnaître et valoriser l’information et l’aide à l’élaboration du consentement (processus d’aide au cheminement des personnes malades) comme un acte de soin à part entière. Une formation renforcée sur ces questions, une reconnaissance pleine et entière de l’information et du processus d’aide au cheminement des personnes soignées, devraient contribuer à un recours plus fréquent aux directives anticipées que la loi recommande à tout citoyen.
– Dans la décision pour autrui, limiter au maximum la subjectivité, en fondant la décision sur une argumentation plurielle. Elle doit se faire à la croisée des arguments de différents professionnels de santé et de la parole de la personne de confiance qui doit primer sur celle du représentant légal ou des proches-aidants.
– Renforcer le poids de la personne de confiance, en la sensibilisant aussi davantage sur son rôle, et valoriser des formes de directives anticipées non réduites à l’écrit semblent désormais primordial.
– Renforcer la place du consentement dans les établissements et services sanitaires et médico-sociaux et en faire un enjeu institutionnel et éthique majeur dans les pratiques professionnelles.
– Enfin, mettre en place des actions à destination du grand public : sensibilisation des citoyens à tous les âges de la vie aux enjeux éthiques et juridiques du consentement en région avec l’aide notamment des Espaces régionaux de réflexion éthique (ERER) (débat public, café éthique…) ; notamment via l’organisation d’une journée nationale dédiée aux personnes de confiance déclinée en ville comme dans chaque établisse-ment et service (hôpital, médico-social, domicile).
Avis 136, L’évolution des enjeux éthiques relatifs au consentement dans le soin, CCNE, voir sur le site du CCNE