Le passe sanitaire ne doit pas être un obstacle à l’accès aux soins en psychiatrie
Défi de la vaccination, mise en œuvre du passe sanitaire et accès aux soins en ambulatoires et à l’hôpital, visites des proches… Réunie le 26 août, la cellule nationale « covid-psy », copilotée par le Groupement opérationnel de psychiatrie (issu de la Commission nationale de la psychiatrie) et la Direction générale de l’offre de soins (DGOS), dresse un état des lieux de la situation sanitaire dans les établissements de psychiatrie. Communiqué.
La crise sanitaire a donné peu de répit à la communauté hospitalière notamment psychiatrique face à une pandémie qui est loin d’être jugulée. Le virus COVID-19 continue à circuler avec un nouveau variant Delta prédominant sur le territoire national plus contagieux que les précédents entrainant des taux d’incidences qui ont atteint des records ces dernières semaines dans certaines régions et qui n’épargnent évidemment pas les malades psychiatriques.
La vaccination de la population française ne cesse de progresser y compris dans les Etablissements de Santé (taux de vaccination entre 80 et 95%) grâce aux moyens mis en œuvre par les pouvoirs publics et une mobilisation remarquable des acteurs de la santé dans le champ de la psychiatrie. Pour autant, le rebond épidémique annonçant la 4e vague est, malheureusement, bien là et particulièrement préoccupant voire dramatique dans certaines régions. Les conséquences sur la santé physique et mentales sont alarmantes. Des renforts en personnels sanitaires intégrant des équipes Cellules d’urgences médico-psychologiques (CUMP) ont été envoyés sur ces territoires et département d’outre-mer malgré les pénuries de personnels liés à la période estivale et aux difficultés de recrutement.
Une course contre la montre est bien engagée pour freiner et lutter contre le nouveau variant Delta compte tenu des contagiosités d’où l’importance de vacciner le plus de personnes possible dans un délai court. L’efficacité vaccinale n’est plus à démontrer ; la vaccination est le meilleur rempart contre les formes graves de covid-19. Les professionnels de la psychiatrie contribuent à relayer ce message en faveur de la vaccination.
En pratique, les établissements autorisés en psychiatrie ont maintenu les protocoles sanitaires dans leurs structures pour assurer la sécurité des patients, mis à profit la reprise de l’activité pour renforcer les actions d’éducation à la santé mais aussi poursuivi l’accompagnement de la vaccination des patients psychiatriques vers les dispositifs de droit commun tout en organisant aussi pour certains Etablissements Publics de Santé Mentale (EPSM) des vaccinations en interne pour les patients peu accessibles aux campagnes de vaccination ainsi que pour leurs professionnels afin de faciliter leur démarche et leur permettre de répondre aux obligations légales.
Les EPSM demeurent toujours en alerte avec une filière de soin sous tension tant pour l’activité en intra qu’en extrahospitalier avec un pic de tension en début d’été alors que les effectifs soignants sont allégés en raison des congés annuels.
La période estivale propice à la circulation du virus du fait du brassage de la population, le relâchement possible des gestes barrières chez certaines personnes notamment les jeunes, le faible taux de vaccination dans certains territoires sont autant d’éléments à l’origine du rebond épidémique et de la tension sur les lits hospitaliers. Les prises en charges restent soutenues dans les services de soin et aux urgences psychiatriques.
Dans des établissements autorisés en psychiatrie, des cas de clusters ou des cas sporadiques ont été relevés et gérés en interne dans chaque unité de soin grâce à l’acquisition d’expérience professionnelle sur la gestion de la COVID. Peu d’unités covid-psy dédiées ont été réouvertes. Peu de cas graves de patients ont été signalés et ayant justifié un transfert en MCO. La balance bénéfice/risque est toujours pesée à chaque décision médicale en ce qui concerne les libertés individuelles et le respect des droits des patients tout en tenant compte de la situation sanitaire. Les gestes barrières sont régulièrement rappelés aux patients qui pour la plupart ont bien intégré leur intérêt.
La mobilisation et la détermination des professionnels de la psychiatrie restent de mise pour assurer leur mission de soin habituelle, prendre en charge des patients contaminés dans les unités concernées, renforcer la vigilance des patients à haut risque sur le plan social, continuer le suivi des patients vulnérables sur le plan psychopathologique et cognitif, enfin éviter de nombreuses situations dramatiques sur le plan somatique au vu des comorbidités associées à un risque grave de covid-19.
Désormais, nous sommes à l’heure du passe sanitaire et de l’obligation vaccinale du personnel hospitalier.
La Loi n°2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire prévoit ainsi l’obligation vaccinale des personnes travaillant dans les secteurs sanitaire et médico-social, ainsi de la mise en place du « passe sanitaire » pour permettre l’accès à certains lieux, loisirs et évènements.
Les cellules de crise des établissements de santé autorisés en psychiatrie réactivées suite au déclenchement du plan blanc dans les territoires concernés, ont intégré rapidement ces obligations légales (passe sanitaire et obligation vaccinale) et organisé rapidement l’information de l’ensemble des professionnels hospitaliers (personnel médical, non médical, administratif, techniques, …).
La pédagogie, la bienveillance, la responsabilité de chaque professionnel sont rappelés à l’encadrement pour accompagner les agents vers la vaccination.
La majorité des professionnels de santé sont vaccinés, partagent l’intérêt de la couverture vaccinale, mesurent les impacts sur le système de santé mis à rude épreuve. Néanmoins, il demeure des professionnels indécis qui nécessitent une attention et une pédagogie particulières. Ainsi, des échanges avec l’administration, les médecins et l’encadrement soignant au sein des équipes pluriprofessionnelles sont de nature, dans chaque unité de soin et service, à mieux informer les professionnels et appréhender les freins éventuels.
Pour ailleurs, la vaccination des patients souffrant de trouble psychiques est aussi un vrai enjeu pour ces professionnels mobilisés depuis la première vague.
L’application du passe sanitaire aux établissements de santé pour les patients depuis le 09 août est bien encadré (décret N°2021-1059 du 7 août 2021). La situation des patients souffrant de troubles psychiques a été prise en compte au vu de leur profil clinique, de leur parcours parfois chaotique mais aussi de l’organisation des soins en psychiatrie dont la majorité des prises en charge est ambulatoire (DGS-Urgent n°2021_80 : Consignes relatives à la mise en œuvre de l’obligation vaccinale et du passe sanitaire dans les services et établissements de santé, sociaux et médico-sociaux).
En effet, le Passe Sanitaire ne saurait constituer un obstacle à l’accès aux soins psychiatriques ambulatoires comme le souligne dans un Communiqué de Presse la Conférence nationale des PCME de CHS.
Cet accès aux soins doit être garanti à tout moment et dans toutes les structures de soin avec tact et mesure, pédagogie en pesant à chaque fois la balance bénéfice-risque pour éviter des ruptures de soins et une perte de chance préjudiciable à leur état de santé.
Dès la promulgation de la loi, une information a été délivrée aux professionnels et aux patients via des notes des cellules de crise et un affichage mis en place dans toutes les structures de soin. Une organisation pragmatique et sur mesure est donc mise en place pour accompagner ces nouvelles obligations légales.
Une enquête flash portée par la Conférence des Présidents de CME de CHS a été adressé le 20 août aux CHS et aux CH pour recueillir les modalités d’organisation pour le passe sanitaire et relever d’éventuelles difficultés d’accès aux soins.
Tous les établissements de santé autorisés en psychiatrie ont multiplié l’information auprès de leur patientèle, adapté les modalités d’accueil de leur patient pour préserver le soin et éviter des ruptures de suivis du fait de l’absence d’un passe sanitaire.
En ambulatoire, un accueil personnalisé est réservé pour les nouveaux patients mais aussi ceux déjà suivis ; l’objectif étant de leur délivrer une information appropriée à leur état de santé et à la nouvelle réglementation en vigueur relative au passe sanitaire, souligner l’importance de la vaccination et les accompagner si nécessaire pour la prise de RDV auprès des différents dispositifs de droit commun, enfin les aider à récupérer leur passe sanitaire téléchargeable sur le site de la CPAM.
Les nouvelles prises en charge et les suivis sont maintenus même si le patient ne dispose pas du passe sanitaire lors de son RDV ou lorsqu’il se présente spontanément pour un entretien de premier accueil infirmier. Une attention particulière est portée aux patients ayant des comorbidités somatiques, en situation de précarité ou à haut risque sur le plan psychopathologique y compris en programme de soin afin de ne pas fragiliser les prises en charge et entrainer de rupture de parcours s’ils ne disposent pas du passe sanitaire ou s’ils restent réticents en raison de leur état clinique.
L’application des gestes barrières demeure respectée et exigée pour toutes les prises en charges aussi bien en individuelles que groupales.
Les activités de groupe ou les sorties thérapeutiques représentent non seulement des risques de contaminations interpersonnelles mais aussi peuvent être des freins à des activités extérieures conditionnées par la présentation du passe sanitaire. Les équipes soignantes sont invitées à recenser les patients non encore vaccinés, à adapter au mieux l’information et proposer de les accompagner vers les centres de vaccination. Pour les patients encore réticents ou ambivalents, leur situation est examinée et la prise en charge personnalisée le temps de les accompagner progressivement vers la vaccination. Aucun patient ne doit être mis sur le « bord de la route ».
En hospitalisation, les tests RT-PCR restent de mise et privilégiés au test antigénique pour toute nouvelle admission en unité de soin que ce soit en entrée directe ou via les urgences avec accord des patients qui acceptent dans leur grande majorité. Quel que soit le statut vaccinal (patient vacciné ou non), des tests virologiques sont pratiqués autant que de besoin en fonction de certaines situations (retour de fugue par exemple, accès à des consultations spécialisées en MCO ou examens paracliniques exigées par des partenaires) ou devant des symptômes cliniques susceptibles de faire évoquer une infection par la COVID.
Les autorisations de sortie validées médicalement sont maintenues ; l’absence d’un passe sanitaire ne peut être une entrave à la permission dès lors qu’ils sont bien informés et en capacité de bien respecter les protocoles sanitaires. Les patients sont informés de la possibilité d’un test virologique en cas de doute lors de retour de permission. Dans ce cas, les tests antigéniques peuvent être intéressants du fait de la rapidité du résultat et éviterait d’isoler le patient plusieurs heures le temps de la réception du résultat. En cas de résultat positif, un test PCR est pratiqué et le patient fait l’objet d’un isolement gouttelettes conformément au protocole sanitaire.
Les visites des proches et des familles sont désormais subordonnées au passe sanitaire. Les visiteurs sont informés en amont de l’obligation du passe sanitaire. Chaque situation est examinée individuellement pour préserver ses liens indispensables aux soins. Les protocoles sanitaires sont rappelés et exigés à chaque visite.
Certains établissements proposent des nouvelles séquences de vaccination en interne à leur patient comme cela a pu se faire précédemment afin de les protéger et faciliter leur retour dans la cité.
La Haute Autorité de santé (HAS) a publié le 24 août 2021 son avis sur les populations éligibles à une dose de rappel de vaccin contre le Covid-19. Elle préconise une dose de rappel pour les plus de 65 ans et les personnes à risque de formes graves. La question de la 3e dose va également faire l’objet d’une attention particulière, les patients psychiatriques âgés de moins de 65 ans sont susceptibles d’intégrer les critères dans la mesure qu’ils sont à risque de développer des formes graves en raison de leur comorbidité.
FAQ (foire aux questions) sur le passe sanitaire et l’obligation vaccinale : https://solidarites-sante.gouv.fr/grands-dossiers/vaccin-covid-19/je-suis-un-professionnel-de-sante-du-medico-social-et-du-social/article/l-obligation-vaccinale
– Dr Radoine HAOUI, Psychiatre, Coordonnateur national du Groupe Opérationnel de Psychiatrie, CH Gérard MARCHANT, Toulouse
– Pr Michel LEJOYEUX, Psychiatre, Président de la Commission Nationale de la Psychiatrie, APHP, Paris
– Dr Christian MULLER (membre du GOP et de la cellule nationale Psychiatrie Covid), Psychiatre, Président de la conférence nationale des PCME de CHS, EPSM agglomération Lilloise, Saint-André-Lez-Lille
– Dr Christophe SCHMITT (membre du GOP et de la cellule nationale Psychiatrie Covid), Psychiatre, CHS Jury Les METZ
– Pr Jean Louis SENON (membre du GOP et membre de la cellule nationale Psychiatrie Covid), Psychiatre, CH Laborit, Poitiers
– Mr Noel VANDERSTOCK (membre du GOP et de la cellule nationale Psychiatrie Covid), Directeur d’hôpital EPSM Finistère Sud, Quimper
– Mme Claude FINKELSTEIN (membre du GOP et de la cellule nationale Psychiatrie Covid), FNAPSY
– Dr Sylvie PERON (membre de la cellule nationale Psychiatrie Covid), Psychiatre, CH Henri Laborit Poitiers
– Dr Wanda YEKHLEF (membre de la cellule nationale Psychiatrie Covid), Médecin généraliste, EPS de Ville-Evrard, St Denis
– Pr Vincent LAPREVOTE (membre de la cellule nationale Psychiatrie Covid), Psychiatre, Centre Psychothérapique de Nancy
– Pr Emmanuelle CORRUBLE (membre de la cellule nationale Psychiatrie Covid), Psychiatre, APHP, Paris