Actualités

8/04
2022

Recours à l’ECT : des disparités importantes

Cette recherche de l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé (Irdes) menée conjointement avec l’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation (ATIH), intervient dans un contexte où l’absence de données chiffrées sur le recours à l‘électroconvulsivothérapie (ECT) est régulièrement soulignée dans le débat public, contribuant à alimenter les craintes vis-à-vis de cette pratique qui demeure méconnue. Les premières données résultant de cette recherche permettent de dresser un état des lieux national de ce traitement.

L’électroconvulsivothérapie (ECT) figure parmi les traitements recommandés pour le soin des troubles psychiques sévères ne répondant pas aux prises en charge usuelles, notamment pharmacologiques. Associée à des représentations négatives, les mécanismes d’action de l’ECT restent en partie méconnus et les travaux documentant son utilisation à grande échelle font défaut. Cette recherche décrit le recours à l’ECT en France métropolitaine en 2019 et en identifie les principaux facteurs associés à partir des données d’activité hospitalière de l’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation (ATIH) – qui comportent depuis 2017 un recueil des actes d’ECT visant l’exhaustivité.

« Un traitement hyper-spécialisé qui concerne un nombre restreint de personnes et destiné davantage à certaines populations spécifiques, suggérant une relative adéquation aux recommandations de bonnes pratique. »

En pratique
Chaque séance d’ECT est administrée conjointement par un psychiatre et un anesthésiste dans un bloc opératoire ou une salle de réveil. Elle nécessite donc un plateau technique adéquat, qui ne peut pas toujours être mis en place au sein même de l’hôpital  assurant le suivi psychiatrique qui organise alors le transfert des patients vers un établissement disposant des ressources techniques nécessaires. L’anesthésie générale (sans intubation) dure quelques minutes et comporte une curarisation pour éviter les  mouvements anormaux. Une surveillance  en salle de réveil pendant au moins 30 minutes est ensuite nécessaire avant la sortie du lieu de réalisation de l’ECT. Le traitement curatif de fond comporte classiquement 12 à 20 séances (deux à trois par semaine). Un traitement plus ponctuel peut également être proposé dans les situations d’urgence et s’interrompt dès que le pronostic inital (dénutrition liée à la catatonie, risque suicidaire...) cesse d’être engagé (une seule séance suffit parfois). Un traitement d’entretien ou de maintien d’une séance mensuelle peut être administré en prévention de la rechute, il peut alors se faire en ambulatoire.

« Des taux de recours à l’ECT qui varient fortement en fonction des établissements de suivi psychiatrique »

Selon ces données, l’ECT a concerné 3 705 personnes pour 44 668 actes en 2019 en France, constituant ainsi un soin hyper-spécialisé peu prescrit. Un peu plus d’1 % des adultes hospitalisés au moins une journée à temps plein en psychiatrie sont concernés, qui sont plus âgés, plus souvent de sexe féminin et ont des diagnostics de troubles plus sévères et complexes que les autres personnes hospitalisées selon les mêmes modalités. Ces caractéristiques cliniques sont en cohérence avec les recommandations de bonnes pratiques. Néanmoins de fortes variations dans le taux de recours à l’ECT sont observées entre les établissements de suivi psychiatrique en charge de l’adressage vers ce traitement. Par ailleurs, ces variations n’apparaissent pas uniquement associées aux caractéristiques des individus pris en charge mais également, et bien plus fortement, à des caractéristiques de l’offre de soins : en particulier le type d’établissement assurant le suivi psychiatrique et la distance avec le plateau technique d’ECT le plus proche. Ce constat interroge sur l’hétérogénéité de la prise en charge des troubles psychiques et sur l’accès à des soins spécialisés en psychiatrie.

Selon les auteurs, « ces travaux documentant le recours à l’ECT sont un préalable indispensable à une meilleure compréhension des pratiques, qu’il convient désormais de poursuivre, notamment par des approches longitudinales et qualitatives. Cela permettra d’accroître les données qui pourront être transmises aux soignants, aux personnes concernées par des troubles psychiques sévères et résistants et à leur famille, et plus généralement à la population générale, afin de prendre la meilleure décision thérapeutique et d’assurer un consentement libre et éclairé ».

« Les débats récurrents sur le ratio bénéfice/risque de l’ECT appellent à une actualisation régulière des données scientifiques et des recommandations de bonnes pratiques sur ce traitement, intégrant le point de vue des personnes l’ayant expérimenté. »

 « Le recours à l’électroconvulsivothérapie en France : des premières données nationales qui soulignent des disparités importantes », Lecarpentier P. (EPS Barthélémy Durand, Irdes), Gandré C. (Irdes), Coldefy M. (Irdes) en collaboration avec Ellini A. (ATIH) – Questions d’économie de la santé n° 267 – Avril 2022.
• Voir aussi le rapport n° 585 « Recours à l’électroconvulsivothérapie pour les personnes hospitalisées en psychiatrie en France : premier état des lieux national » – Avril 2022 – 56 pages – Prix : 25 €.