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13/05
2022

En soins sans consentement, l’hôpital doit s’assurer de la présence d’un interprète

Les personnes privées de liberté sont souvent exposées à des difficultés pour appréhender correctement leur situation, judiciaire, médicale ou administrative. Dans un avis publié au Journal officiel du 3 mai, le Contrôleur général des lieux de privation de libertés (CGLPL), Dominique Simonnot, attire l’attention des administrations sur la nécessité d’utiliser une langue et des termes qui soient compréhensibles.

  • Interprètes professionnels : une présence insuffisante et un manque de contrôle des compétences

Quand la personne enfermée est étrangère, la compréhension de sa situation passe par la traduction de propos et documents. Or, il est fréquent que les traductions soient réalisées sur le vif par des agents ou d’autres personnes privées de liberté et ces traductions bancales ne garantissent pas la fidélité des informations. Quant au recours à des interprètes par téléphone, il doit rester subsidiaire.

D’autre part, il arrive trop souvent que les traductions souffrent d’une qualité médiocre. Le CGLPL est régulièrement averti de l’intervention d’interprètes non agréés ou non formés, maîtrisant mal le vocabulaire juridique, voire la langue qu’ils ont pourtant mission de traduire. Ce manque de compétence est en partie dû à la faiblesse des exigences de recrutement. Les candidatures sont validées auprès des cours d’appel après avis de la compagnie des experts, sans qu’il soit à ce jour possible de déterminer ni les pièces ni les critères exigés.  S’y ajoutent les retards de versement des rémunérations, par ailleurs, faibles, sans parler des horaires élargis. Le tout aboutissant à décourager beaucoup de professionnels assermentés. D’où le recours à des interprètes non agréés dont la compétence n’a pas été vérifiée, pas plus que les liens avec les autorités en charge d’un lieu d’enfermement et, surtout, avec les autorités de l’Etat d’origine des personnes étrangères privées de liberté.

  • Interprétariat et traduction doivent être mis en œuvre à tous les moments cruciaux de la privation de liberté

Dès son arrivée, la personne doit être placée dans des conditions lui permettant de comprendre sa situation et le fonctionnement du lieu dans lequel elle se trouve. Or, la question de la langue parlée par l’étranger arrivant dans un lieu d’enfermement n’est pas toujours traitée par les textes.

En CRA, le retenu doit indiquer à son arrivée une langue qu’il comprend mais cette formalité est souvent expéditive et il arrive qu’il désigne alors une langue qu’il ne maîtrise pas ou mal et qui, ensuite, reste la même tout au long de la procédure, au risque de laisser perdurer une totale incompréhension. En prison et dans les centres hospitaliers, faute de texte, les autorités prennent parfois l’initiative de déduire la langue parlée par l’étranger de sa nationalité. Or, cette langue n’est pas nécessairement celle de la personne concernée. Il revient aux autorités de porter leur attention au-delà des déclarations et des présupposés liés à la nationalité.

Par ailleurs, le premier contact entre les personnes et l’autorité en charge de leur enfermement se fait bien souvent par des documents soumis à la lecture de la personne privée de liberté. Certaines administrations, telles que celles en charge des centres et locaux de rétention administrative, ont augmenté le nombre de traductions disponibles, mais les autres lieux d’enfermement limitent le plus souvent la traduction de leurs documents aux six langues officielles de l’ONU. Il est impératif que l’ensemble des administrations mette à disposition des personnes privées de liberté des documents traduits dans un nombre élargi de langues. Des services informatiques de traduction doivent en outre mis à disposition du personnel, afin qu’il puisse traduire un document en cas de besoin.

Au-delà de l’arrivée, le recours aux services d’un interprète doit être substantiellement développé aux moments importants de la privation de liberté, que sont notamment les rendez-vous pour une prise en charge sanitaire, les comparutions judiciaires ou disciplinaires, ou encore la mise en œuvre du droit au maintien des liens familiaux. Ces situations suscitent des questionnements qui restent souvent sans réponse, faute d’interprète. Or, de ces doutes peuvent naître des atteintes aux droits.

De même, il ne saurait être admis que des consultations médicales de personnes étrangères se déroulent sans possible intervention d’un interprète. Dans chaque lieu de privation de liberté, une convention avec un service d’interprétariat devrait être conclue.

L’administration soit se faire comprendre par tout moyen :
Employer des termes compris de la personne privée de liberté ;
Recourir à des formes d’information non verbales en cas de besoin ;
– S’assurer de la compréhension effective de la personne privée de liberté.

En savoir plus sur le site du CGLPL, Voir l’Avis relatif à l’interprétariat et à la compréhension des personnes privées de liberté, Lire les observations du ministère de la justice