Réalité virtuelle : attention aux effets indésirables !
Santé, formation, immobilier, sécurité, loisirs… la réalité virtuelle et la réalité augmentée connaissent une utilisation croissante, dans des domaines très variés. L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a étudié plus précisément l’impact de l’exposition de la population à ces technologies émergentes et les éventuels effets sanitaires associés. Elle établit des bonnes pratiques afin de limiter les effets indésirables liés à ces nouveaux usages.
Cette expertise s’inscrit dans la continuité des travaux de l’Agence qui étudie depuis plusieurs années les impacts des nouvelles technologies numériques – 3D, écrans,… – sur la santé, dans un monde où les applications des technologies numériques se multiplient et où les usages évoluent constamment.
Des applications très diverses
La réalité virtuelle (RV) et la réalité augmentée (RA) sont utilisées dans de nombreux domaines, notamment professionnels : la santé et les soins thérapeutiques, la formation pour les pilotes d’avion par exemple, ou encore dans le domaine militaire. Ces technologies sont également utilisées par des agences immobilières pour proposer des visites d’appartements sans sortir de chez soi, dans certains musées ou à domicile à travers des jeux-vidéos ou des applications pour smartphones. Différents supports peuvent être utilisés : des casques, des lunettes ou encore des smartphones intégrés à des boitiers à placer devant les yeux. Pour mieux interagir avec l’environnement virtuel, d’autres objets, comme des combinaisons, se développent progressivement.
Mieux connaître l’exposition des populations
Très peu de données d’exposition étant disponibles, l’Anses a réalisé en 2019 un sondage pour mieux appréhender l’exposition de la population française à la réalité virtuelle et augmentée. Il en ressort les éléments suivants :
– la durée moyenne d’une séance est supérieure à une heure ;
– chez les adultes, les utilisateurs sont plus souvent des hommes (57 %) avec un âge moyen de 40 ans, issus de catégories socio-professionnelles supérieures (43 %) et ayant une bonne maîtrise des outils technologiques. Le smartphone est le premier support auquel ils ont recours ;
– chez les enfants, une légère prédominance des garçons est observée (55 %), et l’âge moyen est de 12-13 ans. La réalité virtuelle est principalement associée aux jeux vidéo et les consoles de jeux sont les premiers supports utilisés ;
– dans le cadre professionnel, les deux technologies sont mobilisées, principalement pour la formation, la santé et la gestion des stocks. L’ordinateur, les visiocasques ou les écrans sont les supports les plus employés.
À court terme, des effets réversibles et limités
L’exposition à la réalité virtuelle peut perturber le système sensoriel et conduire à des symptômes de type nausées, vertiges, sueurs, pâleur, pertes d’équilibre … regroupés sous la dénomination de « cybercinétose ». Chez les personnes qui y sont sensibles, ces symptômes peuvent apparaître dès les premières minutes d’utilisation. À la suite d’une séance, la réalité virtuelle peut également induire une modification temporaire des capacités sensorielles, motrices et perceptives et ainsi altérer l’habileté manuelle ou la capacité à orienter son corps.
Par ailleurs, « Les dispositifs de RA/RV utilisent des écrans à LED potentiellement riches en lumière bleue qui, lorsqu’ils sont visionnés en soirée ou la nuit, peuvent perturber notre rythme biologique (retard à l’endormissement, perturbation du sommeil, …) » rappelle Dina Attia, coordinatrice scientifique de cette expertise à l’Anses. Enfin, l’exposition à la modulation temporelle de la lumière émise par ces écrans à LED – clignotement de la lumière parfois imperceptible par l’œil – peut déclencher des crises d’épilepsie chez des personnes présentant un terrain favorable.
Adopter quelques bonnes pratiques pour limiter les effets sanitaires
Pour éviter la survenue de ces effets, l’Anses recommande aux utilisateurs :
– d’arrêter l’utilisation des dispositifs de RA/RV dès l’apparition de symptômes tels que des nausées, vertiges, sueurs, pâleur…;
– d’observer un temps de repos d’une à deux heures après l’utilisation de dispositifs de RA/RV. « Le corps fournit un effort important pour s’adapter au monde virtuel avec lequel il interagit, ce qui peut occasionner une certaine fatigue. Il est donc important de prévoir un temps de repos d’une heure ou deux avant de reprendre une activité nécessitant une forte concentration comme la conduite de sa voiture par exemple » explique Dina Attia ;- d’éviter toute exposition aux écrans deux heures avant le coucher, en particulier pour les enfants et les adolescents, plus sensibles à la lumière bleue ;
– d’éviter l’usage de ces technologies pour les personnes épileptiques ou les personnes identifiées comme sensibles : femmes enceintes, personnes souffrant du mal des transports, présentant des troubles de l’équilibre ou sujettes aux migraines, etc.
L’Agence recommande d’informer les utilisateurs des potentiels effets sur la santé et des bonnes pratiques d’utilisation permettant de les prévenir, par l’intermédiaire de supports dédiés pour les professionnels, et d’une communication spécifique vers le grand public.
Poursuivre les recherches pour connaître les effets éventuels à long terme
Compte tenu de la variété des domaines d’application de la RV/RA, il conviendrait de documenter l’évolution des usages en intégrant, dans les différentes études sur les conditions de vie et de travail, l’exposition à ces technologies. La cybercinétose reste l’effet le mieux documenté. Très peu de données étant aujourd’hui disponibles sur les éventuelles conséquences neurologiques ou les effets sur le développement à long terme, ceux-ci mériteraient d’être davantage investigués. Au-delà de la RV/RA, et pour compléter ses travaux sur l’impact sanitaire des nouvelles technologies, l’Anses a engagé un travail d’expertise sur les effets des outils numériques sur la santé des enfants et adolescents. Publiée courant 2022, cette étude a vocation à identifier des pistes pour prévenir les impacts sanitaires éventuels et mieux encadrer leurs usages.