Quatre lauréates récompensées pour leur recherche en Sciences infirmières
Coorganisée par Groupe Profession Santé et l’université Sorbonne Paris Nord, l’édition 2022 du Prix de la Recherche en Sciences Infirmières récompense quatre chercheuses exceptionnelles dans le champs des sciences infirmières. Un communiqué (ci-dessous) détaille leurs travaux.
La chaire de recherche en sciences infirmières de l’université Sorbonne Paris Nord et Groupe Profession Santé, groupe médias leader de la presse santé, se sont associés cette année pour élaborer le palmarès des travaux de recherche les plus significatifs dans le domaine des sciences infirmières.
L’objectif du Prix national de la Recherche en Sciences Infirmières est de valoriser la recherche infirmière en lui donnant lisibilité et reconnaissance. Ce prix est décerné par son jury d’experts à quatre infirmières ayant contribué de manière exceptionnelle à l’avancement des connaissances et au développement de la pratique infirmière par leurs travaux de recherche et leur diffusion à la fois dans des revues indexées et dans des revues professionnelles. L’évaluation a été réalisée sur une série de 10 critères dont l’originalité du thème de recherche, l’intérêt de la recherche, les financements obtenus ou encore l’engagement pour les sciences infirmières pour exemple.
• PRIX D’HONNEUR attribué à Chantal Eymard
Chantal Eymard, infirmière, titulaire d’une habilitation à diriger des recherches (HDR), a, pendant toute sa carrière, fortement contribué au développement des sciences infirmières et le jury a voulu valoriser cette éminente personnalité de la profession par l’attribution d’un prix d’honneur.
Cette reconnaissance est liée à la valeur de ses productions scientifiques, l’excellence de son enseignement et l’importance de ses expertises.
En matière de production, elle a publié plus de 60 articles dont certains dans des revues à orientation professionnelle et d’autres dans des revues scientifiques indexées, dans le souci de participer autant à la culture scientifique que professionnelle. Elle a rédigé 9 ouvrages et participé à la rédaction de 12 autres.
Chantal Eymard a présenté près de 150 communications orales (bien souvent invitées) et affichées. La synthèse de ses travaux de recherche présentée et soutenue dans le cadre de l’HDR (2005) met en avant, notamment, les enjeux d’une formation pluri-référentielle aux méthodologies de la recherche pour la professionnalisation des soignants. L’hypothèse qui a été travaillée soutient qu’en confrontant les étudiants ou le professionnel à des obstacles épistémologiques, une formation par la recherche participe à la modélisation d’un système de pensée, la construction d’un rapport aux savoirs savants et aux savoirs expérientiels et contribue à différents positionnements dans la relation soignante et l’éducation thérapeutique du patient.
Au niveau pédagogique, Chantal Eymard a mis en place des formations universitaires ouvertes à la formation continue des professionnels de la santé et du travail social, notamment une licence « Éducation dans le secteur sanitaire et le travail social » et un Master « Formation et encadrement dans le secteur sanitaire et le travail social », puis un master en éducation thérapeutique. Elle met en œuvre des partenariats de formation nationaux et internationaux. Ces formations ont été plus que largement ouvertes aux infirmiers(ères) contribuant à l’évolution de la profession. Elle a également dirigé 17 doctorants dont 10 infirmières avec parfois des partenariats internationaux.
Son expertise reconnue l’a amenée à de nombreux engagements. Si nombreux qu’il est impossible de tous les citer, par exemple présidente du Programme hospitalier de recherche infirmière et paramédicale, vice-présidente de nombreux réseaux nationaux et internationaux, des missions pour la Haute Autorité de santé, le Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur, etc.
La reconnaissance de la contribution scientifique en sciences infirmières de Chantal Eymard a été valorisée par la remise des insignes de la Légion d’honneur remise par la ministre de l’Enseignement supérieur, Geneviève Fioraso, montrant une reconnaissance de ses pairs, des autres professionnels de la santé médicaux et paramédicaux quant à sa contribution à la profession d’infirmière. Sa carrière constitue un exemple pour de nombreux(ses) infirmiers(ères).
Quelques productions phares :
– Eymard C. L’accompagnement à l’observance thérapeutique des personnes toxicomanes sous traitement de substitution en situation de précarité. Drogues, santé et société. 2007;6(2):153-84.
– Foucaud J, Bury J, Balcou-Debussche M, Eymard C. Éducation thérapeutique du patient. Modèles, pratiques et évaluation. Inpes, 2010.
– Eymard C, Moncet MC. Initiation à la recherche en soins et santé. Paris : Lamarre ; 2003.
• PRIX DU CHERCHEUR CONFIRMÉ attribué à Isabelle Fromantin
Isabelle Fromantin est infirmière, titulaire d’une habilitation à diriger des recherches (HDR), a une remarquable carrière de chercheuse. Après quelques années en humanitaire et en cancérologie (pédiatrie, ORL), elle décide de travailler en unité mobile de soins palliatifs à l’Institut Curie (1997-2000) en ouvrant une consultation infirmière dédiée à la prise en charge des plaies tumorales et des escarres (2000). En effet, ces plaies posaient de gros problèmes de prises en charge, laissant les patients dans un grand inconfort et une souffrance en sus de leur pathologie initiale. En cherchant à améliorer la qualité des prises en charge, la recherche s’est imposée à elle comme un outil, un moyen d’améliorer les pratiques de soins. Pour trouver comment agir plus efficacement sur les plaies malodorantes, elle a collaboré avec des chercheurs et s’est initiée à la microbiologie et à la chimie analytique. Cet exercice lui a fait découvrir l’immense potentiel de la recherche translationnelle. Pour autant, le travail quotidien avec les patients et les équipes l’ont toujours ramenée à son savoir-faire et son métier : celui d’infirmière. Aujourd’hui, elle anime une équipe pluriprofessionnelle (infirmières, podologue, chercheurs, techniciens…) qui mène de front des activités cliniques, de recherche et d’enseignement, et elle est également en charge du développement de la recherche en soins dans l’institution. L’équipe accueille, tout au long de l’année, des étudiants et infirmiers, avec l’objectif de transmettre, dans le même esprit de compagnonnage qui l’a initialement aidée à comprendre le grand intérêt de la recherche et des sciences.
L’unité est spécialisée dans le traitement des plaies. De ce fait, les recherches ont été réfléchies à partir de ce champ. Tous les travaux sont menés en interdisciplinarité avec des paramédicaux, cliniciens de différentes spécialités et laboratoires de recherche (exemples : CEpiA, université Paris-Est Créteil ; ERRMECe, université de Cergy-Pontoise ; Institut de recherche criminelle de la Gendarmerie nationale ; Unistra, université de Strasbourg). Par cette approche complémentaire, l’objectif est de mener des recherches en action, avec des productions utiles à la communauté (connaissances, brevets, amélioration des techniques de soins). Les 5 dernières années, 2 brevets ont été déposés (pansement et cône d’olfaction) et 2 autres sont en préparation pour 2022-2023. Les travaux ont porté sur les symptômes locaux des plaies, sur les odeurs et les composés volatils, et sur la prévention. Pour ses recherches, Isabelle Fromatin a obtenu près de 4 millions d’euros de financements.
Quelques productions phares parmi les 79 indexées dans PubMed :
– Leemans M, Bauër P, Cuzuel V, Audureau E, Fromantin I. Volatile organic compounds analysis as a potential novel screening tool for breast cancer: a systematic review. Biomark Insights. 2022;17:11772719221100709.
– Nicodème M, Dureau S, Chéron M et al. Frequency and management of hemorrhagic malignant wounds: a retrospective, single-center, observational study. J Pain Symptom Manage. 2021;62(1):134-40.
– Thuleau A, Gilbert C, Bauër P et al. A new transcutaneous method for breast cancer detection with dogs. Oncology. 2019;96(2):110-3.
• PRIX DU JEUNE CHERCHEUR attribué à Alexandra Usclade
Alexandra Usclade est infirmière depuis dix-huit ans en cancérologie adulte et pédiatrique. Cette expérience lui a permis d’acquérir des compétences spécifiques dans la réalisation de soins techniques et relationnels, mais aussi dans l’évaluation des pratiques professionnelles. Elle a très vite compris que ces soins en pédiatrie requièrent la prise en compte de la famille et, plus spécifiquement, la collaboration avec les parents comme partenaires de soins pour une prise en soins singulière et une amélioration de la qualité de vie des enfants malades. Elle a intégré un poste d’infirmière puéricultrice de recherche clinique et paramédicale avec, pour principal mission, le développement de la recherche en soins sur le secteur de la pédiatrie. Sa prise de fonction en tant que coordinatrice paramédicale de la recherche a été un véritable défi et une volonté de mettre à disposition des professionnels paramédicaux du CHU les compétences acquises et la dynamique de développement de la recherche instituée en pédiatrie : mise en place d’un projet de recherche, de l’élaboration du projet à la valorisation de ce dernier, tout en assurant une faisabilité et une rigueur scientifique.
Alexandra Usclade travaille sur les gestes invasifs qui sont courants en hospitalisation, même dans les services pédiatriques. Ils sont souvent difficiles, douloureux et anxiogènes pour les enfants hospitalisés, avec une éventuelle mémorisation de la douleur encore plus présente pour les enfants atteints de pathologies chroniques. La mémorisation d’événements douloureux joue un rôle essentiel dans l’anticipation de l’expérience suivante et peut entraîner des conséquences à long terme. Ses travaux sont d’une véritable utilité sociale. Elle a dirigé 5 programmes de recherche mixtes (obtenant des financements) et est récipiendaire de plusieurs prix, dont le premier prix pour la présentation en 180 secondes aux Journées francophones de la recherche en soins 2021.
Par son expertise, sa rigueur scientifique et son leadership, elle participe grandement au développement de la recherche en sciences infirmières en France.
Une publication phare :
Usclade A, Blanc N, Kohlmuller M et al. Infrared augmented reality device versus standard procedure for peripheral venous catheterisation in children less than 3 years old: a quasi‐experimental cluster randomised controlled trial. J Clin Nurs. 2022;31(11-12):1628-35.
• PRIX DE LA MEILLEURE PUBLICATION attribué à Stéphanie Thurillet
Stéphanie Thurillet est infirmière puéricultrice, elle a découvert la recherche en 2011 en participant à un recueil de données, a suivi une formation de recherche en 2013 et a obtenu un PHRIP en 2014. Cette trajectoire express vers le succès a montré une véritable appétence pour la recherche. Cet intérêt pour la recherche s’est traduit par une véritable et rapide montée en compétence qu’elle a également mise au service des autres au sein de son CHU.
Elle a également présenté une dizaine de communications orales dans des congrès nationaux et internationaux comme, par exemple, à la prestigieuse « 5th International Conference On Nursing Science & Practice » à New York.
Elle a proposé un article qui vient de paraître dans le réputé Journal of Pediatric Nursing(IF 2.145 : 2e quartile en sciences infirmières). Le travail (neuf années d’implication, de l’idée à la production) portait sur la création et la validation d’une échelle d’auto-évaluation de la peur chez les enfants âgés de 4 à 12 ans. Si la douleur est souvent traitée, la peur du soin, particulièrement importante chez l’enfant, n’a que très peu été étudiée. Le jury a donc jugé ce sujet d’importance, particulièrement original puisqu’il s’agit de la première échelle de la peur. Le travail de méthode a été particulièrement remarqué et très bien décrit. Tous les membres du jury ont été unanimes sur le fait que cette publication permet une contribution significative pour les sciences infirmières, en proposant une échelle novatrice à la communauté internationale.
Référence de l’article :
Thurillet S, Bahans C, Wood C et al. Psychometric properties of a self-assessment fear scale in children aged 4 to 12 years. Scary Scale. J Pediatr Nurs. 2022; 65:108-15.