Et les autres ? Comment font-ils ?
Maxime, 24 ans, souffre d’un trouble du spectre autistique. Un accompagnement l’aide à mieux gérer ses émotions pour répondre aux exigences du quotidien…
Maxime, 24 ans, s’est montré très violent au téléphone avec une ancienne collègue, allant, dans son accès de rage, jusqu’à menacer de la violer et de l’égorger. Après cet épisode, il l’a rappelée avec sa mère pour s’excuser et a été voir son généraliste, qui nous l’a adressé. Le jeune homme venait de terminer un contrat à durée déterminé à l’accueil d’un centre médical, poste au contact de personnes parfois difficiles, qui l’a beaucoup stressé.
Aujourd’hui, il se tient bien droit face à moi et répond à mes questions sur un ton monocorde : « Oui Madame, Non Madame… » Il cherche de l’aide pour gérer ses émotions, notamment sa colère. Le jeune homme vit chez ses parents, retraités, qui s’occupent de tout à la maison. Il aide parfois aux tâches ménagères. Il a peu d’amis et en souffre. Il a l’impression d’être « différent » et a toujours peur que les autres se moquent de lui. Plus jeune, Maxime pratiquait le karaté et la boxe mais il a dû arrêter car les cours ont désormais lieu dans une salle éloignée de chez lui et il n’aime pas changer ses habitudes.
UN DISCOURS OPÉRATOIRE
Je l’interroge sur sa vie quotidienne et je suis frappée par son descriptif heure par heure : « A 10 heures, je me lève, j’écoute la radio, je me brosse les dents, je sors mon bol de céréales (il fait le geste) , à 10 h 30 je mange… ». Le discours, opératoire et factuel, montre une priorité accordée à l’action et une difficulté à mettre en mots les émotions. Lors de l’entretien médical, plusieurs éléments biographiques évoquent un trouble du spectre autistique (TSA) : intérêts restreints, comportements stéréotypés. Sa mère confirme en expliquant que Maxime est différent des autres depuis l’enfance, qu’il manque d’autonomie à la maison, ce qui engendre de gros conflits. Le jeune homme évoque aussi des angoisses quotidiennes : il a peur de se faire cambrioler, qu’on usurpe son identité et d’être espionné via son téléphone. Il redoute aussi de mourir subitement d’un accident vasculaire cérébral ou d’un infarctus. Au vu des éléments cliniques et après plusieurs évaluations, la psychiatre pose un diagnostic de TSA avec des symptômes psychotiques atténués et une baisse du fonctionnement global. Elle lui propose un accompagnement psychiatrique par Nineteen pendant deux ans. En effet, pour les patients comme Maxime présentant un « ultra haut risque de transition psychotique » (UHR-P) (1), la prise en charge doit être multiple, et coordonnée par un infirmier case manager. Avec ce jeune, le suivi comportera des entretiens infirmiers hebdomadaires afin de l’aider à s’autonomiser et maîtriser ses émotions. Maxime participe également au groupe habiletés sociales pour mieux communiquer et se faire des amis.
MAXIME FAIT DES PROGRÈS
Maxime accepte volontiers les entretiens infirmiers et nous évoquons comment il pourrait « progresser en vie quotidienne ». Pas à pas, j’évoque différentes dimensions et ensemble nous mettons en place des actions pour qu’il prenne confiance en lui. Il aimerait ainsi apprendre à cuisiner, mais n’est pas très rassuré à l’idée de se lancer. Nous passons en revue ce qu’il a déjà fait (un gâteau au yaourt, des crêpes…) et convenons qu’il commencera par réaliser un plat simple, pour un dîner en famille, ce qui se passe bien. Maxime évoque aussi ses repas, seul au Mac Donald le samedi soir, ou ses promenades tout aussi solitaires, l’après-midi dans des parcs. Il m’expose longuement ses envois de texto à une ancienne camarade de lycée qu’il croise régulièrement. Elle a mis du temps à répondre à ses messages, lui a finalement fixé un rendez-vous mais n’est pas venue. Maxime me fait part de son désarroi : doit-il lui renvoyer un SMS ou attendre sa réponse ? S’intéresse-t-elle à lui ? « Est-ce qu’on est amis avec cette fille, ou pas ? » Sur le plan professionnel, il a reçu une réponse positive pour un job d’accueil téléphonique mais n’est pas sûr d’avoir envie de ce travail. Néanmoins, Maxime progresse. Il sait mettre en route une machine à laver, étendre et plier son linge. Il aimerait partir en vacances seul, pour la première fois dans un hôtel, et commence à chercher des destinations sur internet. Maxime se raconte à travers son quotidien et ses difficultés relationnelles. Nous tentons de comprendre, ensemble, « comment les autres peuvent fonctionner » et réfléchissons aux stratégies à adopter. À petits pas, Maxime progresse…
1- Ce concept développé par Yung et McGorry décrit un état où la personne est à risque de développer un trouble psychotique, ce qui est à distinguer d’un trait de vulnérabilité (tel qu’un antécédent familial ou certains marqueurs biologiques).
Virginie De Meulder
Infirmière, Consultation Nineteen pour les jeunes adultes, GHU Paris psychiatrie et neurosciences.