Les psychologues engagés sur le débat sur la fin de vie
En plein débat sur la fin de vie, suite au rapport de la convention citoyenne sur le sujet rendu début avril au Gouvernement, le Collège des psychologues de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (SFAP) propose, en vue d’une nouvelle loi, des contributions comme autant de réflexions concernant le droit à l’euthanasie ou le suicide assisté pour les personnes en fin de vie. En voici quelques extraits.
• Pour stopper les souffrances, peut-on donner la mort au souffrant ? Sigolène Gautier, psychologue clinicienne – Unité de soins palliatifs du Centre médico-chirurgical réadaptation des Massues (Lyon) – « Le soignant recherche toujours l’arrêt de la souffrance de son patient, et dans cette mission il est parfois pris par des désirs de mort. Mais aujourd’hui, en France, il est encore protégé par le cadre légal qui lui interdit de l’administrer. Et c’est cet interdit qui lui permet de continuer à soigner en créant des alternatives à ce passage à l’acte. C’est également cet interdit qui lui permet de rencontrer un nouveau patient sans se demander s’il aura, ou non, à passer à l’acte à nouveau. »
• Quelques maux de psychologue d’Equipe Mobile de Soins Palliatifs – Lucile Rolland-Piègue, psychologue EMSP Centre Hospitalier Rives de Seine (Neuilly-sur-Seine) – « Je continuerai à travailler en soins palliatifs, même si la loi devait s’ouvrir à l’aide active à mourir car les mouvements psychiques oscillant entre la pulsion de vie et la pulsion de mort devrons continuer à être entendus et accompagnés. Et aussi parce que je ne serai pas celle qui poussera la seringue … Je suis aujourd’hui extrêmement inquiète pour les professionnels de santé qui sont déjà au bout de leurs ressources, avant même une évolution de la loi. Qui s’en préoccupe ? Accéder à la revendication d’un droit de certaines personnes (très peu sur le terrain) va avoir des conséquences dramatiques pour tous les acteurs du Care, et ce, dans l’indifférence générale. Est-ce à la hauteur de la Fraternité si chère à notre pays ? »
• On achève bien les fous ! Cyrille Le Jamtel psychologue, docteur en psychologie à Caen – « Une large part de notre travail consiste à aider ceux qui ont des pensées suicidaires. Quel sera notre travail demain, si notre société dit que ce désir de mort peut ouvrir un droit à une assistance au mourir prodigué par la collectivité, par l’État ? Quant aux limites, aux critères et garde-fous, qui pourra dire que telle douleur physique réfractaire ouvre un droit qu’une autre douleur psychologique réfractaire ne permet pas d’ouvrir ? Bon nombre de psychologues impliqué(e)s en soins palliatifs mais aussi en santé mentale n’accepterons pas que soit abandonné à une mort certaine ou plus exactement à une certaine mort les personnes porteuses de troubles psychiques, que notre société a déjà tenté à de nombreuses reprises d’exclure mais que nous devrions accompagner dignement, sans avoir recours à l’euthanasie.«
• Décider librement de sa mort : solution ou illusion contre la souffrance du mourir ? Isabelle Haritchabalet, Ricardo Filipe, Marthe Ducos. « Nous sommes confrontés, dans notre exercice, aux mouvements psychiques permanents des individus face à leur fin de vie. Quel mouvement psychique devrait-on privilégier ? Celui de la souffrance vers la pulsion de mort ou celui de l’existence vers la pulsion de vie ? Quel modèle de société souhaitons-nous privilégier ? Une société avec un individu qui pense maîtriser sa vie et donc de fait souhaiter maîtriser sa mort et se suffire à lui -même ? Une société où l’individu est en lien avec les autres, où l’homme est libre en lien avec son appartenance à une communauté en permanence en interaction, où les hommes partagent le fait d’être mortel ?«
• L’euthanasie serait-il au Mourir ce que la chirurgie esthétique serait au vieillir ? Apport de la psychologie clinique, Axelle Van Lander, Enseignante-chercheure-HDR Laboratoire ACCePPT UCA, psychologue clinicienne USP CHU Clermont-Ferrand. « Très différente du suicide, même du suicide assisté comme dans l’Oregon avec la prescription médicale d’un produit létale, l’euthanasie ne respecte pas l’ambivalence. L’acte est porté par un autre que le sujet. Comment les médecins auraient-il pu résister à ses demandes de mort pour ne pas l’euthanasier et croire en ses capacités à vivre une identité transformée par la maladie ? (…) L’euthanasie ne sera jamais un acte de soin puisqu’il restera un acte qui tue, un acte porté par un professionnel qui ne sera jamais certain du choix ultime du sujet« .
Retrouvez l’ensemble des contributions du collège des psychologues sur le site de la SFAP.