« Toi Émoi ! », un programme d’ETP sur la santé sexuelle et la vie affective

L’enjeu du programme « Toi Émoi ! », proposé aux jeunes de 15 à 25 ans suivis au Centre référent de réhabilitation psychosociale (C2RB) de Dijon, est de favoriser la parole, les échanges entre pairs et l’accès aux informations fiables sur la santé sexuelle et la vie affective pour étayer l’empowerment et le processus de rétablissement.

Nous travaillons à partir du modèle « Vulnérabilité, stress, compétences » qui met en évidence le lien entre l’apparition des prodromes de la maladie, des troubles et le stress. Nous envisageons ainsi la santé sexuelle et la vie affective comme des facteurs de protection qui permettent de limiter les situations traumatiques, de renforcer le sentiment de compétences et d’auto-efficacité, l’estime et la confiance en soi et l’épanouissement personnel.

Ce programme transdiagnostique (ultra haut risque [UHR], premier épisode psychotique, schizophrénie ou bipolarité débutante, trouble borderline, trouble du spectre de l’autisme sans déficience) est proposé depuis avril 2022, en dehors des phases aiguës, à des jeunes qui se plaignent de difficultés dans leur relation à l’autre, se mettent (ou peuvent se sentir) en danger, s’interrogent sur leur propre sexualité… Les objectifs sont les suivants :

– identifier l’estime de soi comme le socle d’une vie affective et sexuelle saine ;
– déstigmatiser la vie affective et la santé sexuelle ;
– promouvoir la santé sexuelle dans toute sa bienveillance ;
– améliorer la connaissance anatomique et biologique humaine ;
– améliorer la qualité de vie et le bien-être psychique ;
– libérer la parole pour oser poser des questions sur la vie affective et la santé sexuelle ;
– diminuer les facteurs de risque lié aux médias ;
– faciliter l’accès à l’information et aux soins dans la cité ;
– favoriser l’engagement dans les soins et l’empowerment ;
– être dans un processus de rétablissement.

EN PRATIQUE

Comme pour chaque groupe d’éducation thérapeutique, un bilan éducatif partagé initial est effectué. Il s’agit d’un entretien semi-dirigé qui met en évidence les connaissances et les compétences déjà acquises par le jeune, tout en faisant ressortir ses questions et ses objectifs. La passation d’échelles psychométriques permettent d’objectiver trois dimensions :

– l’estime de soi (Self-Esteem Rating Scale-SERS) ;
– la qualité de vie (l’échelle S-Qol) ;
– le bien-être mental (Warwick-Edinburgh-WEMWBS). L’amélioration de ces dimensions participe au processus de rétablissement. Touchant à l’intime, ce premier entretien doit sécuriser le participant, faire en sorte qu’il se sente entendu loin de tout jugement.

Ce programme se déroule en dix séances hebdomadaires d’1 h 30. Un livret individuel est fourni en début de session dans lequel le participant peut prendre des notes et retrouver les informations importantes via des QR Code.

– Nous commençons par une séance qui consiste à construire une définition commune de la santé sexuelle et de la vie affective.
– La séance 2 aborde, à l’aide d’outils pédagogiques, l’anatomie et le fonctionnement des parties génitales.
– La séance 3 explore les émotions, les pensées et les comportements dans les relations sentimentales, ainsi que les violences.
– La séance 4 permet, au moyen de différents supports, de réfléchir à la notion de consentement.
– Toujours dans une approche positive, la séance 5 porte sur les médias et les réseaux sociaux notamment. Le but est de définir des facteurs de protection à mettre en place pour une utilisation sécure.
– La séance 6 (optionnelle) traite de la sexualité et des traitements psychotropes.
– Pour la séance 7, un médecin informe sur les infections sexuellement transmissibles et le VIH.
– La séance 8 (optionnelle) porte sur les méthodes contraceptives et l’IVG.
– La séance 9 (optionnelle) s’intéresse à la grossesse et la parentalité.
– La séance 10 s’intitule « vers qui me tourner ? » et propose au jeune de construire son propre annuaire de professionnels à solliciter dans la cité.

Certains contenus des séances 6, 8 et 9 ayant posé des difficultés à des participants (ne souhaitaient pas aborder ses questions, avaient suffisamment de connaissances ou ne se sentaient pas concernés), nous les avons donc rendu optionnelles.

À l’issue de chaque séance, des tâches à domicile sont proposées pour favoriser l’engagement des participants dans ce soin. Si les problématiques de chacun sont souvent différentes, les échanges restent d’une incroyable richesse pour le groupe et les soignants.

À la fin du programme, un bilan de fin de session objective l’évolution des connaissances et compare les dimensions recherchées par les échelles psychométriques. Enfin, une évaluation individuelle du programme nous permet de le faire évoluer.

Pauline Milliard et Diana Ferreira
Infirmières case managers, équipe Transition, C2RB, CH La Chartreuse, Dijon

Cet article est publié dans le n°279 de revue, Intervention précoce : de quoi parle-t-on ? Voir le sommaire détaillé.