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11/07
2023

Inclusion sociale : les proches-aidants peu valorisés

Laccompagnement social dans le milieu de vie des personnes en situation de handicap psychique s’appuie sur un triptyque qui réunit trois catégories d’acteurs : les personnes concernées, les proches aidants et les professionnels. Une recherche ambitionne de tirer des conclusions utiles pour l’évolution des pratiques et des modalités d’intervention, à partir de l’analyse des freins, des barrières et des leviers identifiés dans un processus participatif.

Le point de départ de cette recherche est d’étudier les transformations de l’intervention sociale induites par le virage inclusif dans le champ de la santé mentale. Un certain nombre d’évolutions législatives, d’orientations de l’action publique et de revendications de mouvements d’usagers, porte un changement « d’esprit » quant aux places respectives des professionnels et des usagers dans la construction de l’intervention. Ce mouvement affiche en effet une volonté de tendre vers davantage d’égalité, de symétrie, de reconnaissance des savoirs d’expérience, d’autonomie de vie et de décision pour les personnes usagères de la psychiatrie et de services liés à la santé mentale.

Située au croisement d’une sociologie de l’intervention sociale, des mouvements sociaux et des professions, cette recherche visait une analyse de la co-construction de l’intervention autour de deux grands axes, articulés entre eux : la mobilisation et la reconnaissance des savoirs experts de chacun des acteurs, et l’évolution de l’équilibre des pouvoirs et de l’asymétrie des places. Nos terrains d’enquête ont été les services d’accompagnement à domicile (SAVS, SAMSAH), emblématiques du virage inclusif de l’intervention sociale en France.

« Ce projet ambitionne de tirer des conclusions utiles pour l’évolution des pratiques et des modalités d’intervention, à partir de l’analyse des freins, des barrières et des leviers identifiés dans un processus participatif »

Un des apports phare de la recherche a été d’informer sur les transformations institutionnelles de la prise en charge du handicap psychique dans un contexte général de ce qui est communément admis d’appeler la « désinstitutionnalisation », en portant la focale essentiellement sur l’accompagnement dans le milieu de vie des personnes. Ce modèle dit « inclusif » se fonde, pour les personnes concernées, sur un droit de vivre dans la société, avec la même liberté de choix que les autres personnes. Par cette entrée, il s’est agi de regarder comment les personnes concernées et leur écosystème (intervenants, proches) vivent ces transformations.

La recherche explore dans quelles mesures ces reconfigurations institutionnelles peuvent concourir aux objectifs d’autonomie de vie des personnes en situation de handicap psychique, d’inclusion dans la société, de liberté de faire selon leurs propres choix et dans le respect de leur dignité. Sommes-nous seulement face à une belle utopie ? Quels sont les leviers/supports mais aussi les freins à la mise en œuvre de ces grands principes ?

« La relation aux proches aidants déstabilise les professionnels puisqu’on leur enjoint de les prendre en compte dans leurs pratiques professionnelles, tout en leur demandant de favoriser l’autonomie des personnes usagères, y compris dans leurs demandes d’indépendance vis-à-vis de leurs proches. »

A l’issue de cette recherche, il ressort comme élément phare que la place des proches-aidants dans le mouvement d’inclusion et de « désinstitutionalisation » de l’intervention sociale reste largement impensée. Acteurs – et surtout actrices – indispensables du maintien des personnes concernées par les troubles psychiques dans leur milieu de vie, les proches sont pour autant majoritairement tenus à l’écart des décisions qui concernent l’accompagnement. Au terme de cette enquête, il est également relevé un décalage certain – plus ou moins fort selon les sites d’enquête – entre l’idéal normatif de la symétrie et de la reconnaissance des expertises de chacun et le déroulement concret dans le quotidien des services.

Cette enquête montre ainsi des accompagnements incontestablement soucieux de soutenir les personnes dans leurs choix et leur milieu de vie, ainsi que d’associer les expertises usagères aux délibérations nécessaires au jugement professionnel. Elle montre aussi tous les défis et les difficultés que rencontrent ces objectifs, et quelles sont les pratiques qui viennent limiter ou fragiliser le plein accès aux droits sociaux et le plein exercice des droits humains pour les personnes en situation de handicap psychique.

La recherche a ainsi débouché sur la production de supports vidéo de formation et d’auto-formation, souhaitant soutenir la réflexivité des différents acteurs et identifier des pistes pratiques pour l’action face aux défis de la co-construction de l’intervention sociale en santé mentale et aux épreuves qu’elles engendrent pour chacun des acteurs.

• Le triptyque « Personne concernée – proche aidant.e – professionnel.le » dans l’intervention dans le milieu de vie de personnes handicapées psychiques : co-construction de l’intervention et expertises multiples, Fondation internationale de la recherche appliquée sur le handicap (Firah). Cette recherche est portée par le CERA-BUC Ressources et l’ESPASSENSEIS (avec la participation de l’ARFRIPS), en partenariat avec le CRI-EPSS (Centre de recherche intégrée école pratique de service social).