Quelle prévalence de l’addiction sexuelle en prison ?
Mieux repérer l’addiction sexuelle en prison constitue un enjeu important pour la prise en charge des patients qui en souffrent, mais ce trouble reste mal connu. Une recherche en cours vise à évaluer la prévalence de ce trouble au sein des patients suivis au SMPR du centre de détention des Murets (CH Gérard-Marchant) et plus globalement à améliorer les connaissances sur ce sujet.
Au CH Gérard Marchant, Julien Da Costa, psychiatre, coresponsable du Centre ressources pour les intervenants auprès d’auteurs de violences sexuelles Midi-Pyrénées (Criavs) conduit une étude de prévalence de l’addiction sexuelle chez les personnes détenues (Pas-CD), qu’elles soient ou non auteurs d’infractions à caractère sexuel. Soutenue par la Fédération de recherche régionale de recherche en psychiatrie et santé mentale (Ferrepsy) Occitanie, cette recherche vise à mieux connaître ce trouble, dans la perspective de meilleurs repérage et prise en charge en milieu pénitentiaire.
L’addiction sexuelle, également appelée « hypersexualité » ou « sexualité compulsive », est un trouble qui se manifeste par une recherche continue et persistante de plaisir sexuel. Des causes multiples sont avancées (iatrogénie, causes neurologiques, causes psychiatriques, hypothèses psychopathologiques), mais elles restent mal connues. Cependant, ce trouble a des conséquences importantes sur le fonctionnement psychosocial des individus, pouvant aller jusqu’à précipiter des comportements agressifs conduisant à une mesure d’incarcération.
La prévalence de ce trouble est estimée entre 2% et 6% en population générale (1-3). Ce taux semble plus élevé chez les hommes et plus spécifiquement chez les auteurs de violences sexuelles (AVS) (4). Cependant, la difficulté de déterminer une prévalence claire de ce trouble pourrait être liée à des critères diagnostics encore mal délimités et aux choix des outils de mesures.
En population carcérale, il n’existe aucune étude de prévalence française de ce trouble. De plus, aucune étude n’a permis de comparer la prévalence de l’addiction sexuelle chez les auteurs d’infractions à caractère sexuel (AICS) à celle présentée chez les auteurs d’infractions à caractère non sexuel (AICNS). L’équipe de recherche pense qu’un meilleur dépistage de l’addiction sexuelle permettrait une meilleure prise en charge des patients présentant ce trouble, favorisant leur réhabilitation psychosociale ainsi que leur bien-être, participant de fait à la prévention de la récidive d’un passage à l’acte de nature sexuelle.
Sur ces hypothèses, cette étude doit permettre d’évaluer la prévalence de l’addiction sexuelle au sein d’une population de personnes détenues au centre de détention de Muret en Haute-Garonne.
Sur le plan méthodologique, cette recherche comporte uniquement des données recueillies par questionnaire et entretien. Les personnes incluses (objectifs d’atteindre un échantillon de 200 participants) sont identifiées par leur psychiatre référent du Service médico-psychologique régional (SMPR) du centre de détention de Muret lors d’une consultation effectuée dans le cadre habituel de leur prise en charge.
Cette étude aura pour bénéfice d’apporter quelques éléments de réponse sur l’addiction sexuelle en déterminant la prévalence de l’addiction dans la population totale du centre de détention de Muret participant à l’étude, de regarder la prévalence chez des AICS et de la comparer à la population d’AICNS suivie au SMPR du centre de détention de Muret. De manière plus large, il s’agit d’améliorer les connaissances globales sur l’addiction sexuelle et de participer à la sensibilisation des professionnels de santé. Résultats attendus courant 2025.
• Projet PAS-CD, étude de prévalence de l’addiction sexuelle au sein d’une population de personnes détenues au centre de détention de muret en Haute-Garonne. Contact : Julien Da Costa, julien.da-costa@ch-marchant.fr
1– Coleman E. Is Your Patient Suffering from Compulsive Sexual Behavior? Psychiatr Ann. juin 1992;22(6):320‐5.
2– Kuzma JM, Black DW. Epidemiology, Prevalence, and Natural History of Compulsive Sexual Behavior. Psychiatr Clin North Am. déc 2008;31(4):603‐11.
3– Odlaug BL, Lust K, Schreiber LRN, Christenson G, Derbyshire K, Harvanko A, et al. Compulsive sexual behavior in young adults. Ann Clin Psychiatry Off J Am Acad Clin Psychiatr. août 2013;25(3):193‐200.
4– Kingston DA, Bradford JM. Hypersexuality and Recidivism among Sexual Offenders. Sex AddictCompulsivity. 1 janv 2013;20(1‐2):91‐105.