Violences sexuelles et conjugales : quel traitement judiciaire ?
Cette note de l’Institut des Politiques Publiques (IPP) cherche à apporter de nouveaux éclairages sur le traitement judiciaire des violences faites aux femmes et son évolution au cours du temps. Si on observe une plus grande sévérité de la réponse pénale pour les violences conjugales, ce n’est pas le cas pour les violences sexuelles, dont le taux de classement sans suite ne cesse d’augmenter.
Malgré la prise de conscience collective suscitée par la vague #MeToo en octobre 2017, les violences faites aux femmes demeurent fréquentes. Dans un contexte de libération de la parole et de mobilisation accrue des pouvoirs publics, les affaires de violences sexuelles et conjugales portées à la connaissance de la justice n’ont jamais été aussi nombreuses. La réponse apportée par le système judiciaire à l’encontre de ces violences fait cependant l’objet de nombreuses critiques. Cette note cherche à apporter de nouveaux éclairages sur le traitement judiciaire des violences faites aux
femmes et son évolution au cours du temps. Elle s’appuie sur des données administratives inédites, récemment accessibles à la recherche, qui couvrent la vaste majorité des affaires pénales traitées par les parquets des tribunaux en France et terminées entre 2012 et 2021.
Les données montrent que le faible taux de poursuite n’est pas spécifique aux affaires de violences sexuelles et conjugales. Toutefois, ces affaires sont majoritairement classées au motif d’un manque de preuves, alors même que
l’auteur est souvent connu et identifié. Dans un contexte d’augmentation du nombre d’affaires enregistrées par la justice depuis 2017, des disparités importantes émergent concernant le traitement judiciaire des violences sexuelles et conjugales. Tandis que l’on observe une plus grande sévérité de la réponse pénale pour les violences conjugales, ce n’est pas le cas pour les violences sexuelles, dont le taux de classement sans suite ne cesse d’augmenter.
Résultats clés
- Comme pour la plupart des infractions pénales, le taux de classement sans suite des plaintes est élevé et concerne 86% des violences sexuelles et 72% des violences conjugales. Pour les autres infractions d’atteintes à la personne, ce chiffre est de 85 %.
- Alors que les infractions pénales sont majoritairement classées sans suite car l’auteur est inconnu, les violences sexuelles et conjugales sont principalement considérées comme insuffisamment caractérisées par le parquet et classées faute de preuves.
- Les auteurs qui sont poursuivis sont toutefois souvent condamnés, avec des peines plus lourdes pour les violences sexuelles que pour les autres atteintes à la personne.
- Le nombre d’affaires de violences sexuelles et conjugales traitées par la justice a connu une forte hausse depuis 2017.
- Alors que la part d’affaires de violences conjugales classées sans suite est passée de 73% en 2012 à 67% en 2020, une tendance inverse s’observe pour les violences sexuelles. Dans le même temps, la part de viols classés est passée de 82% à 94 %.
- La hausse des poursuites des auteurs de violences conjugales s’est accompagnée d’une plus grande sévérité des peines prononcées.
Le traitement judiciaire des violences sexuelles et conjugales en France, Maëlle Stricot, Notes IPP n°107, avril 2024.