Hospitalisations pour tentative de suicide ou automutilation : « brutale » augmentation chez les ados et les jeunes femmes
Une étude de la Drees et de Santé publique France sur les hospitalisations en lien avec un geste auto infligé, c’est-à-dire une tentative de suicide ou une automutilation non suicidaire (scarifications, brûlures, coups contre un mur…), montre une progression brutale et inédite chez les adolescents et les jeunes femmes.
En cohérence avec les observations de terrain et les résultats d’enquête alertant sur une dégradation de la santé mentale des adolescentes et des jeunes femmes, le taux d’hospitalisation pour geste auto-infligé progresse de façon brutale et inédite dans cette population. Une première hausse graduelle entre 2015 et 2019 est observée, interrompue momentanément en 2020, suivie par une seconde hausse marquant une rupture en 2021, nettement plus importante que les évolutions passées. En 2022, les niveaux atteints se stabilisent par rapport à 2021 chez les 10-14 ans et poursuivent leur augmentation de façon moins marquée chez les 15-24 ans, avec des taux inédits par rapport aux années passées. Concernant les taux d’hospitalisation en MCO, comparé à la période 2010-2019, leur moyenne en 2021-2022 progresse ainsi de +71 % chez les filles de 10-14 ans, +44 % pour les 15-19 ans et +21 % chez les 20-24 ans. La progression observée des taux d’hospitalisation en psychiatrie est encore plus importante : +246 % pour les 10-14 ans, +163 % pour les 15-19 ans et +106 % pour les 20-24 ans.
En psychiatrie, le taux d’hospitalisations pour geste auto-infligé de la patientèle féminine âgée de 10 à 19 ans double entre 2012 et 2020 puis double de nouveau entre 2020 et 2022. La tendance continue sa hausse en 2023 mais concerne toutes les classes d’âge et les deux sexes, ce qui peut laisser penser qu’il s’agirait pour partie d’une amélioration du codage statistique dans ces établissements.
L’ensemble des territoires concernés par cette progression
Les analyses dédiées à cette catégorie de la population soulignent que la hausse est généralisée sur le territoire bien que plus marquée dans certaines régions, telle l’Occitanie. Les différents territoires de résidence des patientes, ruraux, urbains ou banlieue, favorisés ou défavorisés, sont tous concernés par cette progression. L’augmentation observée est toutefois plus marquée parmi les patientes résidant dans les communes les plus favorisées, bien que celles-ci restent moins représentées que celles des jeunes habitantes des communes les plus défavorisées.
Deux tiers des hospitalisations sont liées à des intoxications médicamenteuses volontaires
Par ailleurs, les résultats indiquent que la progression des gestes auto infligés chez les adolescentes et jeunes femmes touche l’ensemble des modes opératoires avec une prépondérance des intoxications médicamenteuses volontaires, qui représentent les deux-tiers de leurs hospitalisations, suivies des lésions infligées par un objet tranchant et des gestes plus violents (pendaisons, sauts d’une hauteur etc.). Enfin, la part des patientes de 10 à 24 ans dont l’hospitalisation comporte un passage en unité de soins intensifs reste stable, autour de 10 %, laissant à penser que les gestes aux conséquences les plus sévères progressent de la même façon.
Une tendance à la hausse des taux d’hospitalisation qui n’est pas observée chez les adultes de plus de trente ans, ni chez les garçons et les jeunes hommes
Les femmes et les communes les plus défavorisées davantage concernées
Près de 85 000 personnes ont été hospitalisées au moins une fois en lien avec un geste auto infligé en 2022, 64 % d’entre elles sont des femmes. La moitié de ces personnes ont été hospitalisées en psychiatrie. Les modes opératoires de ces hospitalisations sont très largement les intoxications médicamenteuses volontaires (75 % des hospitalisations en MCO et 61 % en psychiatrie) suivies des lésions par objet tranchant (10 % en MCO et 19 % en psychiatrie) et des gestes « violents1 » (6 % en MCO et 12 % en psychiatrie).
Les données du SNDS manquent d’informations socio-économiques au niveau individuel, l’affiliation à la complémentaire santé solidaire (CSS, ex-CMU-C et ACS) et l’indice de défavorisation sociale de la commune de résidence sont utilisés pour l’approcher. Les bénéficiaires de la CSS représentent près de 26 % des patients hospitalisés pour un geste auto-infligé, contre 11 % de l’ensemble des personnes ayant consommé des soins en 2022 et il existe un gradient social marqué en la défaveur des habitants des communes les plus défavorisées.
De fortes variations régionales
D’importantes disparités entre les taux départementaux de patients hospitalisés pour geste auto-infligé en MCO sont observées. Hors Mayotte, Ils varient de 35 pour 100 000 habitants en Guadeloupe à 260 dans la Somme. Plusieurs départements, notamment dans les Hauts-de-France, la Bretagne et la Bourgogne Franche-Comté ont des taux bien supérieurs à la moyenne nationale qui est de 113 pour 100 000 habitants, à l’inverse des départements d’Outre-Mer et d’Île de France qui présentent des taux inférieurs.
Pour en savoir plus
- Le système national des données de santé (SNDS) et l’accès aux données de santé
- Patients hospitalisés pour gestes auto-infligés
- Code source
Hospitalisations pour geste auto-infligé : une progression inédite chez les adolescentes et les jeunes femmes en 2021 et 2022, Études et résultats, N° 1300, paru le 16/05/2024, Jean-Baptiste Hazo (DREES), Philippe Pirard (direction des maladies non transmissibles et traumatismes, Santé publique France), Fabrice Jollant (faculté de médecine, université Paris-Saclay et hôpital Bicêtre, AP-HP, Le Kremlin-Bicêtre), Albert Vuagnat (DREES) Les auteurs remercient Valentin Berthou, Philippe Binder, Valérie Carrasco, Clémentine De Champ, Adrien Papuchon et Charline Sterchele