Décroissance des benzodiazépines : quid du rôle infirmier
Les infirmiers pourraient-ils s’impliquer davantage, et comment, pour accompagner les patients qui le souhaitent à diminuer leur traitement de benzodiazépines, en partenariat avec le médecin ? Dans son mémoire pour l’obtention du diplôme d’infirmier en pratique avancée, Benjamin Dujardin remarque que la question de l’observance reste au cœur des préoccupations infirmières dans les consultations, et trace les contours d’un rôle davantage proactif.
La France est le 2e plus gros consommateur de benzodiazépines en Europe. Leur remboursement représentait en 2019 environ 2,5 milliard d’euros pour environ 3 millions d’usagers. La pandémie de Covid-19 a majoré le recours à ces médicaments. Si l’action médicale dans la déprescription des benzodiazépines est guidée par une littérature fournie et fait l’objet de nombreuses études, ce n’est pas le cas de l’action infirmière. Elle peut pourtant y contribuer dans son rôle prescrit ou avec une certaine proactivité. Cette étude s’est intéressée à définir la place de l’infirmier de pratique avancée dans la mise en place d’une coopération interprofessionnelle qui favoriserait des comportements infirmiers proactifs dirigés vers la décroissance des benzodiazépines.
Méthode: Un récit de situation complexe et authentique vient illustrer un aspect problématique de l’usage au long cours des benzodiazépines sans proactivité infirmière. Une recherche exploratoire rétrospective, prospective, monocentrique, est ensuite réalisée. Elle dénombre et inventorie sur une période de 5 jours de consultations, les prescriptions de benzodiazépines d’une patientèle suivie en référence par 12 infirmières au sein d’un centre médico-psychologique. Des comportements infirmiers proactifs tracés, visant la décroissance de ces traitements, sont recherchés. L’impact de ces prescriptions dans les prises en soin et le niveau d’auto-efficacité perçue sont évalués chez ces infirmières.
Résultats: 136 dossiers sont analysés dont 65 (47,8 %) comportent la présence d’une prescription depuis plus de 12 semaines. Parmi ces 65 dossiers, aucun comportement infirmier proactif visant la décroissance n’a pu être relevé. La perception dominante des infirmières est l’absence de problème associée à l’ observance au long cours de benzodiazépines. Cela malgré une bonne connaissance déclarée des recommandations de bonnes pratiques et un niveau d’auto-efficacité perçue comme satisfaisant lorsque sont déclarés des comportements proactifs.
Conclusion: L’absence de proactivité infirmière tracée visant la décroissance des benzodiazépines traduit diversement la prise en compte de la problématique étudiée. La construction d’un protocole local de coopération interprofessionnelle permettrait une délégation de compétence à même de réglementer une pratique et de favoriser la proactivité. Leur implémentation par l’infirmier de pratique avancée autorise l’exercice d’un leadership transformationnel et un développement du sentiment d’autoefficacité perçue. Enfin, cette protocolisation serait un support au dialogue avec les médecins généralistes qui renouvellent en majorité ces traitements.
• Benzodiazépines : Un enjeu de santé publique et de coopération interprofessionnelle ? B. Dujardin, Mémoire IPA, 2022, en pdf.