Une médiation musicale pour les jeunes patients lors de soins douloureux
L’Équipe Mobile de la Douleur Pédiatrique (EMDP) de l’Hôpital Femme-Mère-Enfant des Hospices Civils de Lyon propose une médiation musicale en particulier dans les soins douloureux. Les résultats encourageants sont à consolider.
L’Hôpital Femme Mère Enfant des Hospices Civils de Lyon1 est l’un des plus grands hôpitaux pédiatriques européens avec plus de 300 lits de pédiatrie. La prise en charge de la douleur au sein de l’hôpital est une problématique quotidienne. Pour répondre aux besoins des enfants hospitalisés, les Drs Sabine Simonin et Solène Le Gouzouguec, ainsi que Magali Marchal, Infirmière anesthésiste, ont fondé en février 2023 l’Équipe Mobile de la Douleur Pédiatrique (EMDP). Depuis le mois d’avril 2024, avec le soutien de la Fondation Apicil contre la douleur, une psychologue clinicienne, Anaëlle Lorin, a intégré la médiation musicale dans les soins. La musique joue ainsi un rôle clé en apaisant les enfants et en facilitant l’expression de leurs émotions, ainsi que celles de leurs parents et des soignants2. Des études montrent3 qu’écouter de la musique apaisante peut réduire la douleur de 20 à 90 % et l’anxiété de 30 à 75 %. Anaëlle Lorin utilise le chant et divers instruments, dont le violon et la kalimba, pour encourager l’expression personnelle et le lien entre les enfants hospitalisés, leurs familles et le personnel médical.
Les résultats pour un 1er bilan à 5 mois restent à consolider, mais sont encourageants
La plupart du temps, les séances sont hybrides, avec un temps d’entretien, dans lequel la musique est un support pour verbaliser, et un temps d’exploration musicale par l’improvisation lors duquel se met au travail un mode de communication hors langage verbal. Cette souplesse, cet aller-retour entre les différentes utilisations de la musique,
permet un ajustement au patient et amène des interactions particulièrement riches et intéressantes. De même, avant toute séance du type « accompagnement musical de soins douloureux et anxiogène », le lien était déjà fait avec le patient par des rencontres autour de la médiation musicale active.
Quatre façons d’utiliser la musique sont proposées :
– la musique comme soutien à la parole : écoute de morceaux enregistrés choisis par la psychologue ou le patient dans les entretiens psychologiques, pour aider à mettre en mots les ressentis du patient ;
– la musique comme enveloppement sensoriel : création concertée du patient et du thérapeute d’une « playlist » adaptée, pour faire face aux pics douloureux ou aux soins redoutés ;
– la musique pour transformer l’expérience de soin : improvisation musicale de la psychologue, au violon, au chant ou à la kalimba lors de soins ;
– la musique pour prendre soin des liens humains : séances d’improvisation musicale, de jeux musicaux par le moyen de petits instruments de musique, avec le patient et éventuellement sa famille, en lien avec des temps de parole autour du vécu corporel et émotionnel.
« Lorsqu’un enfant ou adolescent est confronté à la douleur, ce qui le relie à lui-même ou aux autres est fragilisé. La musique, elle, à l’inverse, agit comme un liant. Elle suscite des émotions, et j’accompagne alors les patients dans un apprivoisement en douceur de celles-ci, et dans une expression nouvelle de leurs ressentis« , souligne la psychologue Anaëlle Lorin.
Des résultats encourageants
Durant les 9 premiers mois de l’expérimentation, Anaëlle Lorin a rencontré 12 patients issus de 9 services différents de l’hôpital, 2 d’entre eux ont pu suivre 15 séances chacun. Au total, 87 séances de médiation musicale ont eu lieu, uniquement le mardi. Les séances les plus fréquemment proposées ont été celles du type « exploration et improvisation musicale », puis celles du type « musique comme soutien à l’entretien psychologique » et « d’accompagnement musical de soins douloureux et anxiogènes ». Toutes ces rencontres sont pensées en lien avec les autres professionnels de l’hôpital, avec leur participation à certaines réunions, des échanges avec les psychologues et les équipes des services, au sein de l’EMDP, en consultation conjointe…
Les premiers questionnaires d’évaluation transmettent quelques constats de situations rencontrées, des retours des patients, des parents et des soignants :
– la musique associée à des techniques d’hypnose lors de soins, a permis à une patiente à trouver des ressources pour faire face à sa phobie des soins, pourtant installée depuis longtemps ;
– suite à des rencontres avec les parents d’un bébé hospitalisé, ceux-ci se sont mis à chanter pour leur bébé lors de moments difficiles pour lui, constatant alors l’apaisement que cela permettait, prenant aussi soin de leur lien ;
– pour plusieurs enfants hospitalisés, alors que le début de la rencontre pouvait être marquée par leur retrait relationnel et l’expression de douleurs et de tristesse, l’exploration des instruments de musique les a alors animés, mobilisés avec beaucoup de plaisir et de jeu dans la possibilité d’exprimer quelque chose d’eux ;
– pour un bébé dans un grand état de mal-être, difficilement « calmable », la médiation musique s’est révélée comme exceptionnellement apaisante. Elle continue d’être un point d’appuis pour cet enfant, venant le chercher dans son retrait relationnel pour soutenir ses capacités d’interaction.
Autre fait notable, l’ensemble des patients, ayant bénéficié de séances, identifiaient la musique comme pouvant les aider dans la prise en charge de leur douleur ainsi que sur le plan émotionnel.
La Fondation APICIL accompagne ce projet remarquable, en lui accordant une subvention de 29 500 €. « La musique est un outil formidable dans la rencontre avec un patient douloureux car la musique a un pouvoir qui va à l’inverse de tout ce que la douleur tend à fragiliser, qu’elle soit chronique ou aiguë« , explique Nathalie Aulnette, Directrice de la Fondation APICIL.
1- L’Hôpital Femme Mère Enfant (HFME) fait partie du Groupement hospitalier Est (GHE) des Hospices Civils de Lyon (HCL).
2 Lombart B. (2023) “ MUSIQ ! De la musique vivante pour transformer les soins » Music Study Impact Qualitative. B. Lombart, J. Andreu Gallien, S. Thoraud, D. Smadja, F. Reiter, N. Boutih. Etude présentée pour la première fois lors des 29èmes Journées Pédiadol de 2023. https://pediadol.org/livre-des-actes2023-musiq-de-la-musique-vivante-pour-transformer-les-soins-une-etude-qualitative/Mick G., Bigand E. (2018) La musique, pour adoucir douleur et signes fonctionnels liés à la fibromyalgie. Douleurs : Evaluation – Diagnostic – Traitement.
3 Gérard MICK et Emmanuel BIGAND synthétisent ainsi les différentes études et recherches réalisées sur l’utilisation de la musique pour soulager la douleur.
• La musique comme médiation thérapeutique pour faire face à la douleur chez les enfants hospitalisés ; Fondation APICIL, communiqué, mars 2025.