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15/04
2025

Rapport de la Miviludes : « la santé et le bien-être en tête des thématiques de signalement »

La Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) souligne dans son rapport d’activité 2022-2024, que ce sont aujourd’hui la santé et le bien-être qui arrivent en tête des thématiques de signalement (37%). La Mission alerte notamment sur « un accroissement des thérapies alternatives et des pratiques non conventionnelles de soin », parfois même au sein des établissements de santé.

Les dérives sectaires se développent de façon constante. Depuis 2015, le nombre de signalements à la Miviludes a
doublé,
 pour atteindre le chiffre de 4571 sur l’année 2024. Elles se propagent notamment via de nouveaux canaux comme le monde virtuel numérique dans des secteurs tels que le soin, le coaching ou l’enseignement, « provoquant ainsi de graves dommages pour leurs victimes surtout quand elles sont vulnérables et souvent mineures » souligne Étienne Apaire, Président de la Miviludes. Et ce sont aujourd’hui la santé et le bien-être qui arrivent en tête des thématiques de signalement (37%), devant les cultes et les spiritualités (35%).

Les signalements adressés aux parquets* (tentative d’assassinat, viol et agression sexuelle, abus de faiblesse, maltraitance, abus de biens sociaux, exercice illégal de la médecine…) ont connu également en 2023 et 2024 une forte augmentation, qui témoigne de l’activité de la Miviludes mais également de la gravité des faits dénoncés.

Pratiques de soins non conventionnelles, et autres dévoiements

Si les croyances dans le domaine de la santé sont très présentes et les risques de dérives sectaires insuffisamment connus du public, les conséquences peuvent être particulièrement graves : aux risques habituels de rupture avec l’entourage, d’exigences financières exorbitantes et de troubles psychologiques causés par une relation d’emprise, en particulier avec un pseudo thérapeute, s’ajoutent des risques de retards de diagnostics, de pertes de chance de guérir voire de survivre quand la personne souffre d’une maladie grave. De manière générale, les évolutions les plus préoccupantes concernent par exemple l’installation de centres de bien-être où peuvent se côtoyer professionnels de santé et intervenants en bien-être sans distinction franche et évidente pour l’usager.

La Miviludes attire particulièrement l’attention sur la dissémination au sein des hôpitaux des pratiques de soins non conventionnelles (PSNC), avec une banalisation à leur recours, sous l’effet conjugué d’Internet, des salons, notamment dit « bio », ou encore des livres qui leur sont consacrés, et ce sans nécessairement de mises en garde ou d’encadrement médical. Il est courant de trouver des séances de Reiki, de magnétisme ou encore de « bol tibétain » dans les établissements publics de santé. L’image « positive » auprès des Français de ces pratiques peut « constituer un facteur de développement des dérives en matière de santé », prévient la Miviludes. En effet, selon un sondage récent, 70 % des Français ont une bonne image des thérapies alternatives, et 57 % d’entre eux estiment qu’elles sont « au moins aussi efficaces » que la médecine classique.

Autre constat, les traitements alternatifs contre le cancer qui représente plus de la moitié des signalements en matière de santé, particulièrement sollicités dans le cadre de soins de support. Les conseils donnés par des pseudo thérapeutes, suivis majoritairement par les patients, consistent à ajouter voire surtout à substituer au traitement médical, dénoncé comme inutile ou nocif, des pratiques non éprouvées scientifiquement et généralement fantaisistes, présentées comme le moyen de guérir leur maladie et qui rendrait dès lors inutile la poursuite du protocole de soins médicaux (régime alimentaire draconien pour des sujets déjà affaiblis, incitation à la consommation de stupéfiants, soins à base de pierres, examen de tumeur par appareil « russe à résonnance magnétique » qui contredit le diagnostic de cancer…

Les dévoiements de la naturopathie, les dangers du jeûne sont également constatés dans le domaine de la santé mentale. Des naturopathes suggérant de remplacer, par exemple, les thérapies conventionnelles et les antidépresseurs médicalement prescrits par du développement personnel ou encore d’atteindre l’épanouissement par le breathwork, « méthode de respiration visant à changer l’état de conscience à visée prétendument thérapeutique« .

Les mineurs en situation de handicap, dont les parents sont parfois découragés, semblent particulièrement ciblés par ce phénomène. Un témoignage indique par exemple qu’un pseudo thérapeute aurait utilisé des méthodes inadaptées auprès d’un enfant atteint d’autisme, allant jusqu’à « l’enfermer à clé dans sa chambre » et l’aurait encouragé à arrêter les autres soins qu’il suivait tels que l’orthophonie ou la psychomotricité.

Sensibiliser pour « éclairer » les esprits

La Miviludes rappelle que ces pratiques « n’ont pas de fondement scientifique » et que « les praticiens qui y recourent ne sont formés par aucun organisme fiable« . Elle appelle au développement d’actions sur le renforcement d’un esprit critique, mais aussi de formation et de sensibilisation des professionnels par des acteurs publics et associatifs. Un comité d’appui à l’encadrement de ces pratiques, piloté par le ministère de la Santé et de la Prévention, a été institué « afin de dégager un consensus scientifique pour mieux lutter contre les dérives thérapeutiques notamment celles ayant un caractère sectaire. ». Parallèlement, une loi contre les dérives sectaires promulguée en mai 2024, a permis la création de nouveaux délits de provocation à l’abandon ou l’abstention de soins ou à l’adoption de pratiques exposant une personne à un risque grave pour sa santé.

*Au titre de l’Article 40 du Code de procédure pénale qui impose l’obligation à « toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit » d’en avertir un procureur de la République.

• Rapport d’activité 2022-2024 de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires, Miviludes (PDF).