Les peines pour violences sur les soignants alourdies par les sénateurs

Le texte sur la proposition de loi visant à renforcer la sécurité des professionnels de santé a été adopté le 13 mai au Sénat. Il alourdit les sanctions pénales et renforce la capacité des employeurs et des ordres à porter plainte.
« Grâce à ce texte, nous franchissons une étape supplémentaire dans notre ambition commune : ne laisser aucun répit à ceux qui s’en prennent aux soignants, et protéger comme il se doit ceux qui prennent soin de notre santé. Cette ambition est fondée sur une nécessité d’agir, que l’actualité nous rappelle avec force : 23 498 agressions déclarées en 2022 et+44 % de plaintes déposées. Face à ces violences, ma ligne est claire : fermeté. Mon mot d’ordre : tolérance zéro. La violence est toujours un échec. Elle est toujours inacceptable » a souligné le ministre de la Santé et de l’Accès aux soins Yannick Neuder, à l’occasion de l’adoption par les sénateurs de la proposition de loi visant à renforcer la sécurité des professionnels de santé le 13 mai.
Rappelons qu’adopté à l’unanimité par l’Assemblée nationale le 14 mars 2024, le texte est resté en sommeil durant plusieurs mois, avant d’être inscrit à l’agenda du Sénat le 6 mai dernier. Le gouvernement a enclenché sur ce texte la procédure accélérée : une seule lecture dans chaque chambre sera nécessaire et une commission mixte paritaire devrait être rapidement convoquée pour aboutir à un texte commun, une fois le passage au Sénat terminé.
Le texte durcit notamment la réponse pénale à l’encontre des personnes qui commettent des actes de violence à l’égard des soignants. Il alourdit les peines prévues en cas de violences physiques ou verbales. L’aggravation des peines concerne les atteintes aux personnels, quel que soit leur statut ou mode d’exercice, c’est-à-dire salariés ou en exercice libéral. En commission, le Sénat a précisé dans la rédaction que le renforcement des sanctions s’applique également aux personnels qui ne sont pas directement employés par les établissements. Le vol de matériel médical sera également considéré comme une circonstance aggravante.
Lors de l’examen en commission des lois le 30 avril, les sénateurs ont estimé que l’infraction d’outrage était « inadaptée à la protection des professionnels libéraux ». Ils ont donc préféré se raccrocher à l’infraction d’injure, sanctionnée par l’article 33 de la loi du 29 juillet 1881. L’injure envers un soignant sera passible d’une peine d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. Cette modification entraîne par ailleurs un délai de prescription plus court, d’un an.
Quid des peines pour violence, vol, outrage et injure - 20 ans de réclusion criminelle pour des violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner, une durée ramenée à 15 ans s'il y a mutilation ou infirmité permanente ; - 7 ans de prison et 100 000 euros (€) d'amende pour des agressions sexuelles autres que le viol ; - 5 ans de prison et 75 000 € d'amende en cas d'incapacité totale de travail pendant plus de huit jours, une peine ramenée à 3 ans et 45 000 € si aucune incapacité de travail n'est avérée ou si celle-ci est inférieure ou égale à huit jours ; - 5 ans de prison et 75 000 € d'amende pour vol ; - 7 500 € d'amende et une peine de travail d'intérêt en cas d'outrage voire 6 mois de prison en sus de l'amende si les faits se sont déroulés au sein d'une structure sanitaire, sociale ou médico-sociale voire au domicile du patient ; - 1 an de prison et 15 000 € d'amende pour l'injure.
La proposition a également pour objectif de faciliter le dépôt de plainte en permettant aux employeurs de le faire au nom du professionnel concerné, et en protégeant l’adresse personnelle des victimes, grâce à l’utilisation de l’adresse professionnelle ou de celle de l’ordre. La commission des lois a toutefois supprimé cet article. Elle estime que cette disposition est déjà permise par le Code de procédure pénale. Selon les estimations des observatoires en charge du recueil des incidents, moins d’un tiers des signalements de violences donnent lieu à l’engagement d’une procédure judiciaire par les victimes. Yannick Neuder avait affirmé « qu’il faut que la victime se sente soutenue et que le dépôt de plainte devienne un réflexe. Je travaille, en lien avec le ministre de l’intérieur et le ministre de la justice, à un dispositif de visioplainte pour les soignants victimes« .
Le dernier axe poursuivi par le texte est d’améliorer la connaissance sur le sujet des violences en santé. Un article prévoit la présentation chaque année, devant le conseil de surveillance ou le conseil d’administration d’un établissement de santé ou d’un établissement médico-social, d’un rapport sur les actes de violences commis au sein de la structure et les moyens mis en œuvre pour assurer la sécurité des personnels.
La sénatrice Anne-Sophie Patru l’a rappelé : « la commission a adopté six amendements pour sécuriser juridiquement les mesures. Nous avons conservé celles dont la plus-value législative était démontrée. Ces mesures ont avant tout une portée symbolique. Cependant, elles sont nécessaires, au vu de la détresse des professionnels de santé. Bien sûr, il faut aussi une réponse financière : cela relève du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). Il faut aussi une mobilisation judiciaire à la hauteur du sentiment de vulnérabilité des soignants. Sur ce volet, ce texte participe de l’objectif d’une tolérance zéro. Ce texte réitère donc le soutien des pouvoirs publics aux victimes, en oeuvrant contre toute banalisation de la violence ».
• Santé : la proposition de loi pour renforcer la sécurité des soignants arrive au Sénat, Public Sénat, 6 mai 2025.
• Sénat, Comptes rendus analytiques officiels du 6 mai 2025 sur la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à renforcer la sécurité des professionnels de santé.
• Sécurité des professionnels de santé, Dossier législatif, Proposition de loi visant à renforcer la sécurité des professionnels de santé, Procédure accélérée engagée par le Gouvernement le 8 mars 2024.