3 axes et 26 mesures : l’ordonnance de Yannick Neuder pour « réparer » la psychiatrie

Le Gouvernement a dévoilé le 11 juin un plan pour mieux repérer et soigner les troubles psychiques mais aussi rendre plus attractive la psychiatrie, aujourd’hui sinistrée. En 3 axes et 26 mesures, mais sans nouveaux financements, ce plan « de sursaut et de refondation » marque le « point de départ d’un engagement durable » selon le ministre de la Santé et de l’Accès aux soins.
Ces mesures, dévoilées par Yannick Neuder à l’issue d’un comité interministériel, sont annoncées au lendemain du meurtre d’une surveillante de collège par un élève de 14 ans, source d’un émoi national. « Nous devons à la psychiatrie une réparation. Et aux Français une promesse : celle de ne plus laisser la souffrance psychique sans réponse » a rappelé le ministre. Face à ces engagements, une réalité : environ un tiers des postes de praticiens hospitaliers sont vacants, le nombre de lits réduit, alors que celui des patients a doublé depuis une vingtaine d’années.
En substance, ce plan santé mentale et psychiatrie doit permettre de mieux repérer, mieux soigner, mieux accompagner. Il s’agit « de remettre de l’humain, de la cohérence, de la confiance » et ce, « à la hauteur de ce que nous devons à celles et ceux qui vivent avec un trouble psychique, et à celles et ceux qui les soignent« .
Des référents santé mentale dans chaque établissement scolaire
Le premier axe du plan repose sur une conviction forte : le repérage commence par la vigilance collective. Ainsi, tous les adultes en contact avec les jeunes doivent être en capacité de détecter les premiers signes de mal-être, de créer des espaces d’écoute, de déclencher une réponse coordonnée. Dès la rentrée 2025, chaque établissement du second degré et chaque circonscription du premier degré, accessible pour les équipes et les élèves, « disposera de deux personnels de l’Éducation nationale formés au repérage des signes de souffrance psychique« . Ils seront formés sur la base de modules « élaborés conjointement avec l’Éducation nationale« . Un kit de repérage et d’intervention précoce va également être mis à disposition de toute la communauté éducative et le service sanitaire devra prioriser ses interventions dans les établissements scolaires sur le développement des compétences psychosociales. Le ministre annonce également un guide de repérage et d’orientation pour les médecins généralistes et le doublement des formations de secourisme en santé mentale avec un objectif de former 300 000 secouristes d’ici 2027.
Des CMP plus réactifs et des services d’urgence mieux organisés
Pour mieux soigner, il faut une psychiatrie de proximité, lisible et accessible qui permette de prendre en charge les troubles psychiques au bon moment, au bon endroit, par les bons professionnels. Il s’agit de mieux répondre avant la crise, mieux accueillir lorsqu’elle survient, et mieux accompagner après. Mesure phare : renforcer les centres médico-psychologiques (CMP) pour offrir des soins accessibles et réactifs. L’objectif est d’éviter les délais d’attente trop longs, de mieux répondre aux premières demandes de soins, et de renforcer l’accompagnement des personnes en sortie de crise ou de courte hospitalisation. Un soutien ciblé aux CMP sera mis en place via les ARS, avec des enveloppes régionales attribuées en priorité aux établissements qui proposent des créneaux non programmés et des dispositifs de suivi ambulatoire post-urgences.
Il s’agira également de déployer les filières psychiatriques du Service d’Accès aux Soins (SAS) sur 30 territoires d’ici fin 2025. Autre mesure : renforcer l’accès aux soins psychologiques en ville. Pour ce faire, le dispositif Mon soutien psy sera renforcé avec le doublement du nombre de psychologues conventionnés.
Parce que les urgences psychiatriques sont souvent le point d’entrée par défaut dans le système, un travail national sera engagé pour définir des parcours de prise en charge adaptés, gradués et sécurisés, évitant l’hospitalisation systématique. Le plan propose également une cartographie et annonce le déploiement de nouvelles équipes mobiles de crise et des centres d’accueil en amont des urgences.
La présence de pairs-aidants, gestionnaires de parcours et travailleurs sociaux, sera encouragée dans les équipes psychiatriques des services d’urgence, en lien avec les structures de réhabilitation psychosociale afin d’humaniser la prise en charge et garantir une meilleure coordination avec l’aval.
Enfin, chaque maison de santé pluriprofessionnelle (MSP), communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS) et service d’urgence générale sans équipe psychiatrique devra disposer d’un infirmier diplômé d’État ou infirmier en pratique avancée (IPA) formé à la santé mentale. Ce professionnel jouera un rôle de repérage, de coordination des parcours de soins et de lien avec les structures spécialisées.
Former les équipes des urgences aux alternatives à l’isolement et à la contention L’isolement et la contention doivent rester des mesures de dernier recours. Leur usage, bien que parfois nécessaire, peut être traumatisant pour les patients et pour les soignants eux-mêmes. Cette mesure vise à former l’ensemble des professionnels exerçant dans les services d’urgence psychiatriques et générales à des pratiques alternatives, éthiques et respectueuses des droits des patients. Cette formation sera intégrée aux orientations prioritaires de développement professionnel continu (DPC). Le gouvernement s'engage à mieux communiquer sur les dispositifs existants. et communiquer sur les dispositifs existants
Les conditions de travail en psychiatrie, sujet d’une nouvelle mission
Le troisième axe du plan vise ainsi à mieux former, mieux recruter, mieux coordonner. En effet, depuis des années, la psychiatrie publique alerte sur un épuisement des équipes, une crise de vocations, une désaffection croissante des jeunes professionnels. Trop souvent, les soignants tiennent à bout de bras des structures désorganisées et isolées. Reconstruire, c’est redonner envie de faire de la psychiatrie, dans un cadre porteur, bien formé, bien encadré. La formation des étudiants en médecine sera ainsi accrue, avec un module en psychiatrie avancée dans chaque faculté couplé à un stage pratique, et le nombre d’internes formés en psychiatrie porté à 600 par an à partir de 2027, contre 500 aujourd’hui.
Chaque Projets Territoriaux de Santé Mentale (PTSM) devra également prévoir une solution concrète d’aval pour les patients sortants d’hospitalisation ou de crise et les groupements hospitaliers de territoire (GHT) devront intégrer une offre de suivi post-urgence dans leur projet médical partagé. Enfin, la généralisation des mesures d’anticipation en psychiatrie est annoncée pour permettre aux usagers d’exprimer à l’avance leur souhait de soins en cas de crise future.
Enfin, pour lutter contre les pénuries de psychotropes, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) met en place une « task force » chargée d’assurer un suivi plus transparent des tensions et de préciser les alternatives (voir notre article).
« Mesure inspirée du rapport des députées Dubré-Chirat et Rousseau, une mission se penchera sur les conditions de travail en psychiatrie et sera suivie d’un plan d’action début 2026″.
Quid des mesures d’accompagnement financières
Reste la question du financement du plan, le ministère n’a pas précisé si des moyens seraient débloqués, soulignant à la presse qu’« au-delà des enjeux de financement (…) la psychiatrie traverse une crise des vocations, de l’attractivité, de l’organisation des soins ». Des questions qui restent néanmoins étroitement liées à celle du financement du secteur, toujours le parent pauvre du système de santé. « On ne peut pas rattraper 10 ans d’atermoiements et d’attente en deux coups de cuillère à pot. On prend ces mesurettes, mais ça ne va pas résoudre quoi que ce soit », a déclaré à l’AFP le Dr Jean-Pierre Salvarelli, vice-président du syndicat des psychiatres des hôpitaux (SPH) et vice-président de la conférence des psychiatres de CME. Le Collège National des Universitaires de Psychiatrie (CNUP) réagit également de son côté au plan psychiatrie du gouvernement. « Des mesures qui arrivent tard, malgré de nombreuses alertes et préconisations et un manque criant de financement« , c’est la conclusion que le CNUP tire de la présentation du plan psychiatrie du gouvernement. Du côté des syndicats de psychologues, la réaction est vive : « reconnaître l’urgence en santé mentale ? Un minimum. Les récentes annonces du Ministre Yannick Neuder sont un frémissement, mais très loin de la rupture nécessaire avec les politiques catastrophiques qui ne cessent de démanteler nos services publics et d’appauvrir l’offre en soins psychiques. Face à une crise systémique, nous ne nous satisferons pas de rustines technocratiques. Nous exigeons une politique audacieuse, ancrée dans la réalité du terrain, et à la hauteur des enjeux que mobilise la prise en compte de la souffrance psychique.«
• « Plan Psychiatrie : repérer, soigner, reconstruire », juin 2025, Ministère de la santé et de l’accès au soins. Dossier de presse (PDF)
• Consultez la synthèse de la feuille de route Santé mentale et Psychiatrie au 1er mai 2025 – Dossier, Ministère de la santé et de l’accès aux soins. Juin 2025.
• Consultez l’avancement de la feuille de route Santé mentale et Psychiatrie au 1er mai 2025. Dossier, Ministère de la santé et de l’accès aux soins. Juin 2025.