Protocoles de coopération : quelle expérience pour les infirmiers au Vinatier ?

Au Vinatier, plus d’une vingtaine d’infirmiers ont été formés pour exercer dans le cadre d’un protocole de coopération. Qui sont-ils ? Que pensent-ils de ce nouveau mode d’exercice ? Une recherche vise à recueillir et analyser leurs expériences.
Depuis 2023, Le Vinatier psychiatrie universitaire Lyon métropole a formé plus d’une vingtaine d’infirmiers exerçant sur protocole de coopération (Idep) (lire notre article). En quoi consiste ce nouveau mode d’exercice en psychiatrie ? Qui sont ces professionnels ? Une enquête va débuter prochainement, à l’initiative de B.Levoivenel, cadre supérieur de santé, responsable de l’innovation et de l’amélioration des pratiques paramédicales, pour recueillir l’expérience de ces infirmiers, leur motivation, leur vécu et au-delà questionner leur identité professionnelle. Elle portera sur 5 protocoles de coopération*.
Rappelons, selon B. Levoivenel, qu’un protocole de coopération (PDC) est un « document structuré, disponible sur le site du ministère de la santé, qui permet de mettre en œuvre le transfert d’activités ou d’actes de soins à visée préventive, diagnostique ou thérapeutique d’un professionnel de santé à un autre et d’expérimenter de nouvelles formes d’organisation du travail en milieu sanitaire » (1).
Actuellement, le PDC le plus répandu au Vinatier est celui de la consultation infirmière de suivi en Centre médico-psychologique (CMP) de patients au long cours stabilisés. Il concerne une douzaine d’infirmiers répartis sur plusieurs CMP adultes.
Dans ce contexte, les Idep sont des infirmiers justifiant d’un minimum de trois années d’expérience en psychiatrie, ayant suivi une formation théorique de 35 heures ainsi qu’une formation pratique sous forme, entre autres, de supervision clinique. Par ailleurs, afin de maintenir leurs compétences dans la durée, ces infirmiers doivent, en plus des 120 consultations par an, s’inscrire dans une démarche de mise à jour des connaissances tous les 6 mois (2). Concrètement, ces Idep peuvent, sur dérogation, prescrire, sous forme de renouvellement à l’identique, certaines thérapeutiques médicamenteuses telles que des antipsychotiques, des anxiolytiques, des antidépresseurs ou encore des thymorégulateurs. La liste complète des molécules qui s’inscrivent dans cet acte de délégation est écrite dans le PDC. Ce protocole comprend également la prescription d’examens complémentaires comme des bilans sanguins (numération formule sanguine, bilan rénal…) et la prescription d’infirmiers libéraux afin d’organiser par exemple une distribution de traitement per os à domicile ou de réaliser une injection de neuroleptique à action prolongée. Un autre PDC à venir, attenant au service universitaire d’addictologie de Lyon (SUAL), prévoit le renouvellement de traitement de buprénorphine par les infirmiers.
Que représente l’acte de prescrire des thérapeutiques pour un infirmier diplômé d’Etat ? Comment cette nouvelle activité s’inscrit-elle, au sens large, dans la pratique infirmière au quotidien ? Ces interrogations font écho à la nouvelle loi infirmière de juin 2025 qui prévoit, entre autres, de conférer aux infirmiers un pouvoir de prescription autonome de certains produits de santé et examens complémentaires (3). En ce qui concerne les Idep,à quel moment de leur parcours professionnel apparaît le désir de gagner en compétences ? Quel est leur vécu de ces consultations ? Peut-on parler d’une nouvelle identité professionnelle (4) ?
Toutes ces questions seront étudiées dans l’enquête dont les résultats sont attendus en fin d’année.
• Une recherche présentée par C. David, titulaire d’un Master en sociologie et diagnostic des organisations.
* Les PDC au Vinatier sont : la consultation infirmière de suivi en CMP de patients au long cours et stabilisés, l’ajustement des thérapeutiques antalgiques Centre Ressource Autisme, la consultation infirmière aux Urgences Psychiatriques Rhône Métropole, la consultation infirmière à domicile de patients adultes suivis en équipe mobile spécialisée en santé mentale en coopération avec les psychiatres, la consultation infirmière en CMP enfants et adolescents pour suivi et renouvellement des traitements.
1– Levoivenel, B., Le temps de la délégation, Santé mentale, n°294, Janvier-février 2025, pp74-79.
2– https://www.adesm.fr/copsy-2/ : Catalogue des protocoles de coopération locaux en psychiatrie. Consultation infirmière de suivi en CMP de patients au long cours et stabilisés. Décembre2024.
3– La loi infirmière, une étape historique, Santé mentale;, 20 juin 2025.
4– C. Dubar propose une vision sociologique de l’identité : « L’identité n’est autre que le résultat à la fois stable et provisoire, individuel et collectif, subjectif et objectif, biographique et structurel, des divers processus de socialisation qui, conjointement, construisent les individus et définissent les institutions », C.Dubar, (2000). La socialisation. Construction des identités sociales et professionnelles (3e édition revue). Armand Colin. Paris. P109. 255p.