Ce qu’écouter veut dire…
Au-delà des évidences, dans les soins, que signifie écouter ? Etymologiquement, écouter, c’est prêter l’oreille, être attentif. Il s’agit d’une démarche volontaire, d’une pratique active. On s’y prépare, physiquement et psychiquement, et on signifie à l’autre qu’on est prêt à accueillir ce qu’il a à nous dire, que sa parole laissera une trace en nous.
Concernant le vécu du patient, nous sommes dans un brouillard que seule sa parole peut dissiper. Comment lui indiquer qu’il dispose d’un savoir sur lui-même et son trouble que nous ne possédons pas ? Que se passe-t-il quand une personne en souffrance psychique parle ? S’agit-il pour elle de se faire comprendre, entendre, d’influencer le soignant, de partager ses émotions, de les tenir à distance, de « s’entendre dire » ? L’écoute mobilise différents mécanismes psychologiques chez l’écoutant et l’écouté. Comment opère-t-elle ? Que nous apprennent les sciences cognitives ?
– Les mystères de l’écoute, Brice MARTIN, psychiatre, praticien hospitalier, coordinateur du pôle centre de psychiatrie, Centre hospitalier Drôme Vivarais (Valence), président de la Fédération française de psychiatrie
« L’écoute » des personnes qui nous font l’honneur de venir nous parler de leurs difficultés constitue sans aucun doute un enjeu fondamental de la rencontre en psychiatrie. Pour aborder et questionner prudemment cette dimension puis réfléchir ensemble à ce phénomène si délicat, nous nous appuierons sur quelques fragments de rencontre clinique.
- Il y a Jean, qui quitte l’entretien blessé, avec un sentiment de simulacre d’écoute après avoir partagé pour la première fois d’étonnantes idées.
- Il y a François et Jeanne, qui, sous l’effet des « questions naïves » d’un intervenant pourtant attentif, découvrent des choses qu’ils n’avaient jamais entendues l’un de l’autre.
- Il y a Marie auprès de qui l’intervenant éprouve et entend des émotions qu’il a lui-même vécues. Peut-il s’adosser à ses propres expériences pour installer un espace d’écoute réciproque appuyé sur du « semblable » ?
- Il y a François, Nathalie, leur fils Théo, et cet intervenant noyé sous un flot d’informations qu’il a pourtant à cœur d’écouter. Et puis l’effet suscité par la tentative improvisée d’un retour imagé (sous la forme d’un conte énigmatique) qui va tous les mobiliser.
Pour nous accompagner autour de cette réflexion et de ces rencontres, nous nous appuierons par petites touches sur des auteurs qui nous parlent de l’écoute, du chef d’orchestre Bruno Walter aux psychothérapeutes Guy Ausloos, Mony Elkaïm et Marcel Sassolas en passant par quelques écrivains comme Antoine de St Exupéry, Albert Camus et Yasunari Kawabata.
– De la parole à l’écoute, de l’écoute à la parole : tenir à une distance intime, Dorothée LEGRAND, psychologue, psychanalyste, chercheure en philosophie (CNRS-ENS)
Pourquoi parler ? Comment écouter ? Il est rare qu’une personne qui arrive en soin vienne « pour » parler. Hors de question d’ignorer ses problèmes et ses demandes ! Mais comment y répondre quand il est ici et maintenant impossible de les solutionner ? Comment éviter de donner à cette personne le sentiment d’être méprisée, soumise à l’impuissance des soignants à lui donner une solution ? Comment opère l’écoute ? Comment donne-t-elle lieu à la parole ? Alors que l’on ne se comprend jamais tout à fait, comment la parole et l’écoute franchissent-elles avec légèreté la distance entre l’un et l’autre – distance qui reste pourtant infranchissable ? Nous décrirons un dispositif concret mis en place à partir de ces questions.