Le passage à l’acte : une énigme à décrypter
Le passage à l’acte recouvre un registre très large de conduites et de manifestations qui mettent en jeu des dimensions corporelles et sensori-motrices. Il s’inscrit souvent dans un contexte plus large et peut être considéré comme une réponse désespérée à l’angoisse, une défense contre l’effondrement. Qu’est-ce-qui pousse à l’acte ? Qu’est-ce qui est mis en acte ? Comment se faire le destinataire d’un message en quête d’adresse ? C’est à chaque fois le contexte clinique, l’histoire de la conduite dans un environnement spécifique, son inscription dans une dynamique psychique qui peut permettre de construire avec le sujet, le sens de l’acte. Si l’équipe soignante doit à chaque fois, d’une manière singulière, contenir ces agirs pour les traiter, elle doit également, en même temps, créer les conditions pour en explorer la dynamique et la restituer au sujet.
Observer le passage à l’acte, entendre la faille, soutenir le sujet, Benjamin VILLENEUVE, Infirmier, candidat PhD, chercheur associé à l’Unité de recherche sur l’histoire du nursing (Université d’Ottawa) et à l’Institut des humanités en médecine (CHUV Lausanne), formateur au Grieps
Cette communication propose d’explorer les enjeux cliniques de l’observation dans les situations de passage à l’acte. Souvent vécus comme des ruptures, ces agirs corporels et sensoriels s’inscrivent pourtant dans une dynamique psychique plus large. À partir d’un cas clinique fil rouge, nous verrons comment l’observation structurée et relationnelle, à la fois objective et subjective, peut aider à éclairer la fonction de l’acte et, parfois, à limiter sa répétition. Loin d’une simple évaluation comportementale, il s’agira de comprendre ce qui se joue dans la scène relationnelle et d’identifier ce qui, en nous, entrave ou déforme notre capacité à observer. En interrogeant nos filtres perceptifs et nos réactions contre-transférentielles, cette intervention vise à renforcer notre position de destinataire : celle d’un soignant capable de contenir l’agir, d’en accueillir le message et de le restituer au sujet dans un espace de pensée partagé.
Prévention du passage à l’acte et coercition implicite : le soin sous tension, Fabien AGNERAY, Psychiatre, Docteur en psychologie clinique et psychopathologie, Praticien Hospitalier et Lucie BIGACHE, Cadre de santé – CHU Lille, Unité hospitalière spécialement aménagée (UHSA)
Intégrer la perspective du passage à l’acte dans le soin exige un cadre thérapeutique flexible capable d’absorber l’imprévu. L’insécurité inévitablement générée par cette réalité clinique doit être analysée à plusieurs niveaux : individuelle et institutionnelle. Les aspects sécuritaires qui en découlent (isolement préventif, traitement sédatif préventif, accès limité à certaines médiations…) interrogent souvent leur pertinence thérapeutique, voire entrent en contradiction avec le soin. Composer avec ces effets contradictoires implique d’analyser cette insécurité, de repenser le cadre comme un contenant dynamique, et d’intégrer la fonction du passage à l’acte dans la psychopathologie individuelle. Il est donc crucial d’évaluer la pertinence des dispositifs de sécurité et de soutenir les équipes pour transformer ces défis en opportunités d’approfondissement clinique.
Les scarifications : une énigme insupportable ? Adrien CASCARINO, Docteur en psychologie, superviseur d’équipes CH Robert Ballanger, diplômé et enseignant à l’ESSEC
Une mère s’effondre en pleurs et se sent « anéantie » par les scarifications de sa fille. Une psychiatre ressent les entailles de ses patients comme une blessure « dans sa propre chair », un infirmier recoud des plaies de scarifications sans anesthésie pour dissuader une adolescente de recommencer… Face à ceux qui se coupent régulièrement et volontairement la peau, les soignants oscillent souvent entre impuissance, culpabilité et colère. Comment comprendre ces pratiques et leur répétition ? Pourquoi nous semblent-elles souvent insupportables ? Comment notre ressenti en tant que soignant et la remise en cause de notre capacité protectrice influencent nos interprétations ? Entre banalisation des coupures, pratique punitive et volonté de réparation à tout prix, les réactions provoquées par les scarifications excèdent une lecture strictement intrapsychique du fonctionnement adolescent. Décrypter l’énigme des scarifications nécessite de comprendre ce qui se joue, consciemment et inconsciemment, sur la scène intersubjective que les scarifications instituent, en mettant au jour les enjeux psychiques de cette rencontre entre l’adolescent et l’adulte.