L’entretien, un écrin pour l’écoute

17 octobre 2023
10h45 - 12h15

L’entretien, un écrin pour l’écoute

Formalisé ou non, l’entretien peut être proposé par différents professionnels. Il suppose toujours un cadre qui sert de repères : contexte, lieu, durée et rythme, interactions croisées entre soignant et soigné, objectif, contenu, grille de lecture. Comment ces différents éléments du cadre viennent-ils retentir sur la qualité des échanges ?

Au-delà des techniques mobilisées (reformulation, focalisation, exploration de l’ambivalence, voire dévoilement de soi), le soignant utilise sa propre subjectivité comme instrument de travail en s’appuyant sur les phénomènes de résonnance, de transfert, d’empathie et d’intuition. L’écoute implique de consacrer un temps suffisant au patient pour entendre son histoire (anamnèse), ce qu’il ressent (émotions), ce qu’il pense à propos de ce qui lui arrive (cognitions), des relations qu’il établit avec les soignants (alliance thérapeutique, transfert), des ressources dont il dispose pour se soigner. Il ne s’agit pas seulement de recueillir des données mais de cheminer avec lui pour qu’il soit coauteur de cette séquence de soin tout autant que de sa vie.

L’entretien  à l’épreuve du délire, Blaise ROCHAT, pair-aidant en santé mentale, enseignant dans le domaine de la santé

Une fois mon admission réalisée et mon délire bien identifié par les soignants, ma parole m’a semblé ne plus avoir de poids. Ce que j’exprimais n’avait aucun intérêt pour les professionnels qui censuraient ou ignoraient systématiquement mes propos. Comme je ne parvenais pas à retrouver davantage de « normalité », nous étions enfermés dans une réelle impasse relationnelle. En effet, quand il n’est plus possible de gérer les tensions grâce à l’écoute et la parole, ne reste bien souvent que la contrainte et la contention pour désamorcer les crises, avec les traumatismes que cela peut engendrer. Pour établir des liens significatifs il faut permettre l’expression du délire, ce qui ne signifie pas délirer avec la personne, mais abandonner un peu de rationalité pour entrer dans son monde, reconnaitre son vécu et valider ses éprouvés. Dans ce contexte, quelle est la place de l’entretien ? Par ailleurs, l’écoute d’un pair-aidant peut-elle constituer une plus-value pour la relation thérapeutique ?

– Un fil d’Ariane pour l’entretien clinique Dominique FRIARD, infirmier de secteur psychiatrique, superviseur d’équipes

Il ne suffit pas d’écouter, de se laisser traverser, stoïquement, par les propos d’un patient, il faut aussi parfois en accuser réception. Au-delà des préconisations techniques, il s’agit de penser, de cheminer ensemble, avec et non pas à la place. Formel ou informel, chaque entretien (ou série d’entretiens) est défini par un cadre (contexte, interactions croisées, lieu, durée et rythme, objectifs, contenu abordé, et grille de lecture) qui sert de repère aux deux interlocuteurs, chacun étant cocréateur de l’entretien. Toute modification d’un de ces éléments de base entraîne des répercussions sur le déroulement de la séance.

« Donc, si je comprends bien… », la reformulation en question Philippe AïM, psychiatre, psychothérapeute spécialisé en hypnose et thérapies brèves

L’injonction « Il faut reformuler ! » reste un conseil central (qui a parfois tout d’un poncif…) prodigué à toute personne qui se forme à l’entretien. Mais concrètement pourquoi et comment reformuler ? Ni répétition, ni interprétation, la reformulation est un outil, en apparence simple, pour transmettre le sentiment que l’on est présent et à l’écoute. Il facilite le lien relationnel et contribue à faire émerger le changement, à condition d’y appliquer quelques principes concrets.