Privilégier l’intensité du lien
Les soignants doivent accepter de ne pas, toujours, tout maitriser ni tout faire. C’est dans des espaces laissés vacants que les patients et leurs proches peuvent aussi s’installer et s’approprier leurs soins. Pour tenter d’ajuster ces rythmes et ces attentes, en apparence inconciliables, des équipes de soin choisissent de privilégier l’intensité du lien avec le patient et de différencier l’important de l’essentiel… Certains dispositifs peuvent soutenir cet engagement, s’adapter au rythme de chaque patient et garantir la continuité des soins. Peut-on ainsi « protéger » un patient de la réitération suicidaire en prenant le temps de coconstruire avec lui un outil « sur mesure » ? Peut-on diminuer la coercition grâce à la mise place d’une équipe dédiée au soutien clinique des collègues en difficulté ? Réactivité, rapidité, mobilité, comment les équipes mobiles déploient-elles un « travail de disponibilité » dans l’intervention précoce ?
– Equipes mobiles : hâtez-vous lentement…, Samuel BOULOUDNINE, Psychiatre et psychothérapeute systémique, Jérôme ALBERTINI, Infirmier et formateur
La mobilité constitue actuellement le sésame pour tout nouveau projet de soins en santé mentale, suscitant souvent enthousiasme, soutiens et parfois -miracle- financements. Dans ce contexte les équipes mobiles sont-elles une véritable innovation en santé mentale ou seulement une réponse conjoncturelle à des besoins pressants ? Dans quels délais répondre à la demande de soins ? De la réponse immédiate à la visite planifiée, du service ouvert 24h sur 24 ou seulement les jours ouvrables, et de la crise à l’urgence, comment définir la temporalité la plus adaptée ? Vincenzo Di Nicola, professeur en psychiatrie propose dans son manifeste « Slow Thought » (la pensée lente) que la réponse à un environnement qui change constamment n’est pas nécessairement la vitesse. Peut-être, en effet, serait-il contre-productif de vouloir s’adapter à un rythme de plus en plus rapide en travaillant de plus en plus vite. Des vignettes cliniques viendront illustrer pourquoi et comment les équipes mobiles doivent se hâter lentement…
– « On n’a pas le temps de le calmer ! » : une équipe de prévention de l’isolement et de la contention, François PYTLAK, Infirmier coordinateur et Bertrand DEVAUD, Aide-soignant, CH Camille Claudel
L’équipe de prévention de l’isolement et de la contention (EPIC) se déploie au niveau institutionnel pour soutenir les soignants lors de situations de tension liées à l’hospitalisation sous contrainte, la vie en collectivité, le cadre de soin… Outre des missions de formation et de recherche, elle intervient donc en renfort, si possible dès les prémices de la crise, directement dans les services de soins lorsque les soignants « n’ont pas le temps de calmer un patient agité »… La désescalade d’une crise demande en effet du temps, or c’est justement ce temps qui fait défaut. Par sa position de tiers EPIC suggère une réflexion collective, améliore la coordination des actions et veille aux respects des droits des patients. Ses forces : adaptation et disponibilité.
– « Brief is more », les interventions brèves de santé en prévention du suicide, Benoit CHALANCON, Infirmier, MSc, doctorant, Centre de prévention du suicide, Pôle urgence, CH Le Vinatier
La prévention du suicide connait ces dernières années des évolutions notables qui participent à construire de nouveaux modèles théoriques de compréhension de l’idée au comportement suicidaire (R. C. O’Connor, 2018). Le concept clés de la transition suicidaire réinterroge les modalités d’actions pour prévenir les comportements suicidaires. Dans ce contexte les interventions brèves de santé (A. Milner, 2016), fort de preuve d’efficacité et d’une implémentation favorable s’imposent comme un outil de premier plan. Prenant appui sur l’approche compréhensive (D. A. Jobes, 2012) et le soutien social (A. Arango, 2016) découvrons ensemble les fondements et l’application pratique des interventions brèves de santé en prévention du suicide.