Actualités

5/07
2017

Les conditions de travail des soignants impactent les soins sans consentement

Comme dans tous les lieux de privation de liberté, en psychiatrie, le respect des droits des patients hospitalisés sans consentement est directement lié aux conditions de travail des personnels soignants, pointe ce rapport de la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL), qui analyse les difficultés observées sur le terrain. En santé mentale, les recommandations de la CGLPL s’intéressent notamment à question des effectifs et de la supervision.

Depuis sa création, le CGLPL indique avec constance que le respect des droits fondamentaux en prison, en garde à vue, en rétention ou dans le cadre d’une hospitalisation sans consentement est directement tributaire du personnel et des ses conditions de travail. Ce rapport intitulé « Le personnel des lieux de privation de liberté », deuxième opus d’une collection d’analyses thématiques, propose une analyse concrète et transversale des observations relevées sur le terrain. Malgré leur diversité et la pluralité des situations qu’ils prennent en charge, les établissements visités par le CGLPL rencontrent des problématiques comparables: celle de l’équilibre entre les impératifs de sécurité et le respect des droits des personnes enfermées, celle des effectifs, celle de la formation, celle des relations de pouvoir et de dépendance qui s’instaurent inévitablement entre les personnes privées de liberté et les agents qui les prennent en charge et aussi celle de la violence.

Sur de nombreux points, la situation en psychiatrie fait l’objet d’une attention et de recommandations spécifiques. La CGLPL note d’emblée que si les soignants ont généralement choisi leur métier, la prise en charge de personnes privées de liberté représente une fonction « accessoire nécessaire par rapport au cœur de métier ». Les équipes soignantes doivent donc bénéficier de formation sur le statut et les droits de ces personnes prises en charge, ainsi qu’une aide à la prise de fonctions. L’absence de formation apparaît en effet d’autant plus grave « lorsque des professionnels non formés à cela qui doivent expliquer leurs droits aux personnes privées de liberté »…

 

La question des effectifs : « En psy, quand on a des hommes et des femmes, on peut se passer des murs… »

Dans les établissements de santé mentale, le manque d’effectifs est directement préjudiciable aux patients. La CGLPL relève ainsi que « dans la vie quotidienne, le temps consacré aux patients se limite parfois à répondre aux demandes pour : sortir de l’unité, fumer une cigarette ou utiliser son téléphone portable, notamment lorsque ces derniers font l’objet de nombreuses restrictions. Les entretiens menés en binôme avec le psychiatre ne peuvent pas toujours être réalisés alors qu’ils sont essentiels pour offrir une prise en charge cohérente. Nombre de soignants ont évoqué la nécessité de réintroduire du relationnel avec les patients et de la disponibilité pour que leur travail soit de qualité et qu’il ait un sens. »

A l’hôpital, la mise en place d’ateliers et d’activités sont parfois « reléguées au second plan ou inexistantes du fait d’effectifs trop réduits ».  Le manque d’effectifs peut aussi conduire les établissements à « des restrictions injustifiées des libertés individuelles : maintenir les portes de leurs unités fermées même en l’absence de patients en soins sans consentement, fermer à clé les portes des chambres la nuit, parfois près de douze heures de suite, faute de personnel pour assurer la surveillance, ou confisquer tous les objets et produits potentiellement dangereux (rasoirs, sèche-cheveux, parfum, nécessaire de manucure, ceintures, cordon de portable), faute de temps pour surveiller les patients à risques ».

Par ailleurs, le rapport pointe que « lorsque la présence médicale fait défaut, le recours à l’isolement est plus important et la mesure est généralement prolongée (notamment les week-ends). L’interne de garde n’ose que rarement, en l’absence du médecin sénior, lever la mesure. De même, les soignants se tiennent en retrait ou bien s’abritent derrière les protocoles de mesures d’isolement et de contention, dès lors que des patients sont agités ou présentent un risque de passage à l’acte hétéro-agressif, craignant de ne pas être en capacité de contenir la crise. Le recours à l’isolement, à des fins préventives voire sécuritaires, est alors plus fréquent. »

La CGLPL estime donc nécessaire la détermination d’« effectifs de référence dans les lieux de privation de liberté » qui tiennent compte de la dimension humaine de la prise en charge, même dans les cas où la technologie permet des gains de productivité.

 

La supervision : existe-t-il une réelle demande des équipes ?…

La pratique de la supervision est loin d’être généralisée dans les établissements de santé mentale visités par le CGLPL, malgré « les mécanismes de transferts et de contre-transferts liées à la relation » auxquels ils sont soumis. Faute d’avoir des temps neutres pour analyser avec un tiers ces relations particulières, « les soignants sont susceptibles de développer avec les patients des relations qui n’ont plus de caractère thérapeutique. Au-delà de l’absence de dotation budgétaire pour cette fonction, il faut se demander s’il y a vraiment une demande des équipes soignantes et si cette demande est “accompagnée» par l’encadrement et le corps médical, voire même s’il y a conscience du besoin. »

Le CGLPL recommande donc « la mise en place de moyens de supervision, c’est-à-dire d’une offre de soutien psychologique, librement accessible, indépendante de la hiérarchie et confidentielle (…). L’information des agents sur l’existence de cette possibilité, ses modalités d’accès et sa confidentialité doit être améliorée. »

  • Le personnel des lieux de privation de liberté. CGLPL, juin 2017, Editions Dalloz, juin 2017, 64 pages, disponible en librairie. Cet ouvrage sera disponible en téléchargement gratuit sur le site du CGLPL à compter du 9 août.