Actualités

13/05
2022

20 propositions pour « réinventer la psychiatrie »

La pandémie de covid-19 a crûment mis en lumière les difficultés de la psychiatrie. Alors que les constats sont connus, ce nouveau rapport sur la discipline s’attache à proposer « des pistes de réflexion claires et optimistes pour une nécessaire réforme de la psychiatrie. » Publié par la Fondation Jean-Jaurès, il est l’œuvre de Boris Nicolle, psychiatre, praticien hospitalier, service de réhabilitation psychosociale du centre hospitalier des Pyrénées (Pau), coordinateur national et référent Nouvelle-Aquitaine de l’Association des jeunes psychiatres et jeunes addictologues (AJPJA).

Dans ce travail, il n’est plus question de revenir sur l’état des lieux mais bien de proposer des pistes pour permettre une transformation de la discipline. L’auteur se livre à un exercice de prospective pour penser la refondation d’un véritable service public de psychiatrie, ouvert sur la société, organisé autour de l’usager dans une optique de rétablissement et caractérisé par une culture de la coopération, de la pluridisciplinarité et de l’évaluation.

Pour B. Nicolle, « le contexte actuel autorise l’optimisme et l’ambition pour la psychiatrie », alors que la discipline « suscite un intérêt et une implication croissante des usagers, des autorités et des professionnels malgré l’épuisement de beaucoup. » Son travail s’appuie sur les innovations, qui « sont légion sur le territoire », et les propositions existantes. Le rapport pose tout d’abord les grands principes et le contenu de la réforme souhaitée. Il décline ensuite « plus précisément les pistes pour intégrer la psychiatrie au débat citoyen, avant d’évoquer les nécessaires transformations des pratiques et des métiers. »

20 propositions pour réinvestir la psychiatrie
01– Faire de la santé mentale une grande cause nationale
02– Faire de la participation des usagers dans le système de santé un axe transversal des futures mesures, à toutes les échelles
03– Élaborer une loi-cadre sur la santé mentale, préalablement à une réforme de la psychiatrie
04– Créer une délégation interministérielle à la santé mentale et une Agence nationale pour la recherche, l’innovation et l’évaluation en santé mentale
– faire évoluer la délégation ministérielle à la psychiatrie et à la santé mentale en délégation interministérielle à la santé mentale, rattachée au Premier ministre
– créer une Agence nationale pour la recherche, l’innovation et l’évaluation en santé mentale, à partir des institutions existantes, avec des fonctions d’expertise, de concertation et de conseil.
05– Se donner les moyens d’une réforme ambitieuse de la psychiatrie
– articuler les réformes du financement et des autorisations à celle de l’offre de soins
– axer les mesures autour de principes clairs : rétablissement, participation des usagers et de leurs proches, ouverture, coopération, pluridisciplinarité, évaluation médico-économique
06– Améliorer la collaboration entre médias et psychiatrie
– généraliser le « jumelage » entre des promotions d’internes et de journalistes
– développer la formation à la communication et l’éducation à l’information pour les professionnels et usagers et généraliser les campagnes d’information ciblées
07– Permettre à l’école d’assumer sa fonction de promotion de la santé mentale
– élaborer une stratégie nationale de promotion de la santé mentale et de prévention en milieu scolaire, selon une approche graduée
– former le personnel éducatif au repérage de la souffrance psychique et à la promotion de la santé mentale
08– Repenser les liens entre psychiatrie et justice et créer une mission nationale d’observation
– installer une mission nationale permanente d’observation et de conseil, rassemblant experts, psychiatres et magistrats, sous l’égide des deux ministères de tutelle
– améliorer et harmoniser la formation des experts psychiatres
– revoir le statut et la rémunération des experts psychiatres
9– Acter le changement de paradigme en psychiatrie
– articuler la redéfinition des pratiques autour de la notion de rétablissement
– afficher l’objectif d’une disparition de l’isolement et de la contention pour permettre un véritable engagement politique sur le sujet
– faire du lieu de vie des personnes le centre de gravité de la prise en charge en s’appuyant sur « l’aller vers »
– revoir la place et les missions de l’hôpital dans le parcours de soins
10– Promouvoir des soins pertinents
– traiter la question de l’accès aux soins somatiques de manière transversale et prioritaire
– s’appuyer sur le financement, la formation et une réflexion globale sur les freins au changement pour faire évoluer les pratiques et les organisations
– envisager la rédaction de recommandations opposables par la HAS, renforcer le rôle et la visibilité du CNPP-CNQSP
– refondre l’offre de formation continue des psychiatres et ses modalités
11– Proposer une offre de soins lisible et graduée
– encourager la création de réseaux de soins de premier niveau en ville
– systématiser une interface efficace entre les acteurs de première et de seconde ligne
– clarifier la définition et l’articulation des seconds et troisièmes niveaux, en s’inspirant des initiatives existantes
12– Répondre dès aujourd’hui aux enjeux les plus urgents de la psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent
– revaloriser la consultation libérale en pédo-psychiatrie
– envisager le remboursement des séances d’orthophonie, de psychomotricité, de psychothérapie en libéral, dans une logique de parcours de soins
– tripler le nombre d’hospitalo-universitaires en pédopsychiatrie sur l’ensemble du territoire
13– Penser les nouvelles fonctions et intégrer les nouveaux métiers
– prioriser trois fonctions à développer dans les équipes de soins : la coordination de parcours, la gestion des partenariats et le management médical
– inclure de manière efficiente dans nos organisations les nouveaux métiers, en particulier les pair-aidants et les infirmiers en pratique avancée
14– Travailler sur le rôle des psychiatres et sur l’attractivité de la profession
– clarifier les fonctions du psychiatre pour mieux adapter sa formation
– s’appuyer sur les constats récents pour améliorer l’attractivité de la spécialité
15– Réhabiliter le métier d’infirmier en psychiatrie
– créer une formation en psychiatrie complémentaire, optionnelle et diplômante
– renforcer la formation théorique initiale
– promouvoir les parcours professionnels favorisant
la coopération et la pluridisciplinarité
16– Adapter la formation des cadres de santé et modifier la gouvernance pour assurer un management efficace, porté par le binôme médecin-cadre
17– Penser la place du psychologue dans le parcours de soins
– permettre l’accès direct au psychologue pour des troubles légers à modérés
– rembourser les psychothérapies spécifiques dans le cadre d’un parcours de soins coordonné pour les troubles sévères
18– Permettre une participation plus large à la recherche en psychiatrie en favorisant l’interdisciplinarité
– créer un espace régional favorisant la coopération, l’accès aux formations à la recherche et un financement plus pertinent des projets
– accompagner les projets interdisciplinaires et favoriser les équipes multisites
– sanctuariser les temps de recherche dans l’affectation des professionnels
19– Consentir un effort financier pour la recherche à la hauteur de l’enjeu, en favorisant les modes de financement pérennes
20– Revoir en profondeur l’organisation territoriale de la psychiatrie
– faire du PTSM l’opérateur principal de la psychiatrie en renforçant notablement ses prérogatives, tout en conservant le maillage sectoriel
– favoriser une architecture du système de soins qui ne soit pas descendante et se donne les moyens d’intégrer les retours d’expérience et les évaluations médico-économiques
– penser cette nouvelle architecture de soins autour des quatre fonctions de la psychiatrie : soin, urgence, soutien partenarial, action inter-partenariale

Réinvestir la psychiatrie : une urgence sanitaire, un défi démocratique. B. Nicolle, Fondation Jean-Jaurès éditions, mai 2022, à télécharger sur le site www.jean-jaures.org