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27/09
2022

Un outil pour mieux évaluer la santé somatique en psychiatrie

Une recherche participative a permis d’élaborer un auto-questionnaire de la santé somatique des personnes souffrant de troubles psychiques sévères.

Les patients atteints de pathologies psychiatriques sévères ont un taux moyen de mortalité 2 à 3 fois supérieur à celui de la population générale, ce qui se traduit par une diminution de 10 à 20 années d’espérance de vie (1). Leur santé somatique est ainsi un enjeu essentiel des prises en charge, qui doit être abordé avec leur participation.

Dans ce contexte, un groupe de recherche (« Ma santé physique ») composé de personnes concernées par des troubles psychiques, des membres du Centre de ressources sur le handicap psychique (CREHPSY) Hauts-de-France et de Laurent Lecardeur (psychologue et chercheur PhD.) s’est constitué pour mieux comprendre la perception des usagers de la psychiatrie de leur propre santé somatique. Un objectif était d’élaborer un auto-questionnaire francophone sur ce sujet.

Selon la méthode des patient reported outcomes measures (Proms, mesures des résultats des soins selon les patients, 2), ce questionnaire visait à évaluer des domaines que les personnes concernées trouvent sous-estimés, sous-détectés ou non-priorisés par les échelles cliniques traditionnelles utilisées dans les soins. La création de cet outil a nécessité 4 rencontres de travail (2 x 6 heures et 2 x 3 heures). Il comprend 9 questions qui permettent aussi bien une analyse quantitative que qualitative des données (par exemple : « Qu’est-ce qui m’empêche de prendre soin de ma santé physique ? », « Qui m’a sensibilisé à la question de la santé physique ? », « Quelle est la qualité de mon sommeil ? »…).

L’acceptabilité de ce questionnaire a ensuite été testée par ces personnes concernées auprès d’autres personnes concernées dans des services sanitaire, médicosocial et communautaire des Haut-de-France. Cette phase a duré 1 an et demi. Notons qu’elle a été ralentie notamment par la crise sanitaire, qui restreignait l’accès aux sites de tests. De plus, il a fallu réaliser plusieurs réunions du groupe de travail en format mixte présentiel/distanciel. Cela a eu un impact sur l’assiduité au groupe, notamment suite à la 3e vague. Enfin, une structure sanitaire a refusé le recueil de données sur son site, soulignant toute la difficulté actuelle à réaliser en France des recherches participatives.

32 questionnaires ont été recueillis par les participants, un chiffre inférieur à celui escompté au départ. Cependant, les chercheurs se disent satisfaits de leur persévérance dans un contexte défavorable. Les résultats montrent que la santé somatique est au cœur des préoccupations des personnes concernées par les troubles psychiques, plus particulièrement les douleurs (dos, articulations, dents…), les maladies chroniques (diabète) et les facteurs physiques d’empêchement (fatigue, souplesse, vitalité). Les répondants font des liens entre leur santé physique et des facteurs externes (comme l’accès aux soins ou la médication) ou internes (estime de soi, symptômes cognitifs et négatifs, alimentation, sommeil et usage de substances). La méconnaissance des symptômes négatifs et des troubles cognitifs entraîne de la culpabilité, par exemple l’apragmatisme étant vécu comme de la fainéantise.

Cette recherche participative confirme que les personnes concernées par des troubles psychiques sont tout à fait en mesure de créer des outils d’auto-évaluation de leur état de santé. Présentés au Congrès recherche de l’Unafam en juin 2022, ces résultats encouragent au développement de telles échelles de mesure, construites à partir de leur vécu, et de programmes leur donnant l’opportunité de surmonter les freins identifiés pour prendre soin d’eux. C’est, à notre connaissance, la première échelle francophone construite en ce sens et dans le respect de la perception propre de personnes connaissant des troubles psychiques sévères.

• Contact : contact@crehpsy-hdf.fr

1– Mesures de la qualité des soins et de la satisfaction de l’usager, les Prems (Patient Reported Experience Measures) concernent le vécu du soin, après une hospitalisation ou une consultation en CMP par exemple, et les Proms (Patient-Reported Outcomes Measures), s’intéressent à la perception par le patient de son état de santé, sa qualité de vie, les effets secondaires des traitements par exemple.

2– Guidelines for the management of physical health conditions in adults with severe mental disorders. Geneva: World Health Organization (2018)