Violences sexuelles aux enfants : le « coût du déni » s’élève à 9,7 milliards d’euros par an
Dans son dernier avis, la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (CIIVISE), a déterminé le coût économique annuel des violences sexuelles faites au enfants : » 9,7 milliards d’euros, c’est ce que les agresseurs nous coûtent chaque année » . Elle formule deux préconisations : organiser un parcours de soins spécialisés psychotraumatisme pour ces enfants et les adultes qu’ils deviennent et maintenir la CIIVISE en place.
La CIIVISE, avec d’autres, a déjà mis en évidence l’ampleur des violences sexuelles faites aux enfants par leur nombre et par leur gravité : 160 000 enfants sont victimes de violences sexuelles chaque année et 5,5 millions de femmes et d’hommes adultes ont été victimes de violences sexuelles dans leur enfance, le plus souvent au sein de leur famille. Les conséquences sur leur santé et toutes les sphères de leur existence sont d’une extrême gravité et durent toute leur vie.
Le dernier avis de la CIIVISE énonce un chiffre éloquent qui contribuera peut-être plus efficacement à mobiliser les institutions et le corps social : 9,7 milliards d’euros, c’est ce que coûtent, chaque année, les violences sexuelles faites aux enfants. Selon la Commission, ce chiffre « n’est pas avancé pour produire un effet de sidération. Il doit être un levier pour renforcer les politiques publiques de protection des enfants et de lutte contre l’impunité des agresseurs ». Et de poursuivre, en affirmant qu’il possible de réduire ce coût annuel, d’abord par la prévention des passages à l’acte. Sur ce plan, un engagement de grande ampleur est indispensable. « Or, ce poste de coût est si minime qu’il n’a pu être pris en compte dans l’estimation du coût annuel des violences sexuelles faites aux enfants« .
Instance publique et indépendante, la CIIVISE est le lieu où s’incarne cet espoir, « je témoigne pour moi et pour que les enfants ne vivent pas ce que j’ai vécu ».
Le coût des conséquences à long terme des violences sexuelles sur la santé des victimes est de 6,7 milliards d’euros par an, soit 69,2% du coût total. L’absence de prise en charge adaptée du psychotraumatisme est la cause principale de ces conséquences à long terme. Le présent perpétuel de la souffrance doit être pris en compte d’abord par respect pour les victimes elles-mêmes, mais aussi pour son impact social et économique. Pour la CIIVISE, « réduire ces conséquences à long terme est donc une priorité de politique publique. Pour cela, il faut repérer au plus vite les enfants victimes, les mettre en sécurité, et leur donner des soins adaptés. »
Cet engagement sera aussi une reconnaissance pour les adultes qui ont été victimes de violences sexuelles dans leur enfance et qui ont confié leur témoignage à la CIIVISE (cf. encadré). Leur parole aura été entendue lorsque les enfants seront réellement protégés. En effet, la reconnaissance qui est due à ces femmes et à ces hommes et qui a conduit à la création de la CIIVISE comporte un double engagement : recueillir leurs témoignages et, ainsi, reconnaître leur dignité mais aussi, indissociablement, agir contre le déni par des politiques publiques et des pratiques professionnelles plus protectrices. Ce double engagement est l’identité de la CIIVISE. Elle remplit sa mission en étant l’espace de solidarité des victimes et en leur étant fidèle par la formulation de préconisations réalistes, réalisables et engagées.
C’est pourquoi deux préconisations sont formulées dans cet avis :
– organiser un parcours de soins spécialisés du psychotraumatisme pour les enfants victimes de violences sexuelles et les adultes qu’ils deviennent. En effet, l’existence de soins spécialisés est largement décrite dans la littérature scientifique et fait l’objet d’un consensus international. Pourtant, les victimes de violences sexuelles n’en bénéficient pas ou de façon trop aléatoire, selon la formation du thérapeute vers lequel elles sont orientées, ou l’état des dispositifs institutionnels susceptibles de les dispenser ;
– maintenir la CIIVISE pour continuer de lutter contre l’invisibilisation des enfants victimes, lutter contre l’impunité des agresseurs, et promouvoir une culture de la protection. Les victimes le disent : elles ont aussi « besoin vraiment de témoigner, de parler, de dire ce qu’il en est » et d’entendre leurs récits résonner au-delà des tribunaux et des cabinets médicaux. Pour elles-mêmes, d’abord. « Pour pouvoir enfin raconter librement ce qu’elles ont subi. Pour pouvoir enfin être entendues par une société qui a trop longtemps ignoré leurs appels au secours, étouffé leurs cris, récusé leurs récits. Mais aussi pour les autres« .
« Les besoins des victimes ne sont pas seulement des besoins de soins. Ils le sont à l’évidence. Mais ils sont aussi sociaux, éducatifs et judiciaires. La pertinence des soins spécialisés implique d’abord la mise en sécurité de la victime, dès la révélation des violences et de façon durable. »
• Avis de la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants – Ciivise, 12 juin 2023. (PDF)