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4/07
2023

Le seul désir de Maria : « être comme tout le monde »

À 25 ans, Maria, suivie pour un trouble dépressif caractérisé avec état mental à risque de psychose, subit une trop grande pression à son travail. Comment l’aider à prendre soin d’elle ?

Maria, 25 ans, est suivie depuis deux ans pour un trouble dépressif caractérisé avec état mental à risque de psychose (1). C’est une jeune femme sympathique et joyeuse. Sa famille vit à la campagne, en Île-de-France, et depuis sa majorité, Maria réside seule à Paris, dans un foyer de jeunes travailleurs. Sociable, elle a beau- coup d’amis et est très entourée. Titulaire d’un CAP hôtellerie-restauration, elle tra- vaille depuis l’âge de 16 ans. Aujourd’hui, son emploi est source de stress, et nous étudions ensemble comment elle pourrait mieux gérer la situation, compte tenu de sa vulnérabilité.

Une trop lourde charge…

Maria a du mal à supporter la pression et subit des attaques de panique. Elle a été licenciée d’un précédent poste dans un restaurant car elle recomptait sans cesse la monnaie par peur de se tromper. Son employeur l’a accusée de voler dans la caisse et Maria est partie très humiliée et en colère.

Depuis six mois, elle travaille chez un traiteur: elle prépare le magasin et sert les clients. Au début, elle aimait l’ambiance familiale de la boutique, avec ses deux employés et des patrons plutôt bienveillants puis les choses ont commencé à se dégrader avec le départ d’un de ses collègues. Maria a alors enchaîné les heures supplémentaires pour maintenir l’ouverture du magasin tous les week-ends. Elle a commencé à stresser, à se réveiller la nuit et à ruminer sur ses éventuels faux pas. Elle est devenue irritable, a commis des erreurs, et s’est fait reprendre par ses patrons, ce qui l’a mise dans tous ses états. Finalement, un matin, totalement épuisée, elle ne peut pas se lever et pleure dans son son lit toute la journée…

Elle accepte l’arrêt de travail d’une semaine proposé par la psychiatre, tout en culpabilisant fortement. En entretien, elle explique que ses employeurs ont besoin d’elle, que la boutique restera fermée si elle ne vient pas. Je lui fais remarquer qu’elle semble prendre très à cœur son travail. Trop? Maria acquiesce et se met à pleurer. Elle s’engage énormément, et il me semble que ses patrons font peser sur elle une responsabilité qui n’est pas la sienne : « Si tu ne fais pas d’heures supplémentaires ce week-end, on ne fera pas le chiffre d’affaires ce mois-ci, on va finir par fermer…». Maria travaille généralement 45 heures par semaine, ce qui représente une très lourde charge pour une jeune femme fragile psychiquement. Comment l’aider à prendre un peu de distance ?

Poser des objectifs

La semaine suivante, reprenant son poste, Maria apprend que le second employé a démissionné et elle se retrouve immédiatement débordée. Houspillée par son employeur, Maria n’a même plus le temps d’aller aux toilettes et je crains qu’elle ne s’effondre à nouveau. La jeune fille ne veut pas entendre que ses conditions de travail sont intenables et qu’elle ferait mieux de chercher un poste moins stressant. Elle soupire : « Je n’ai pas l’énergie de chercher autre chose, et puis c’est partout pareil ». Je vois Maria régulièrement en entretien de soutien infirmier pour faire le point sur son quotidien et essayer de trouver avec elle des stratégies pour être bien à son travail sans se laisser envahir. Je l’aide aussi à trou- ver des astuces pour optimiser son hygiène de vie afin d’éviter une rechute dépressive. Voici les grandes lignes de ce plan :

– demander fermement à ne plus faire d’heures supplémentaires, sans se laisser culpabiliser ;
– prendre son traitement antidépresseur plus régulièrement. En effet, Maria sort beaucoup le soir et dort parfois chez des amis, ce qui conduit à des « oublis » et ne permet pas une efficacité optimale ;
– reconnaître les signes avant-coureurs de rechute dépressive. Si elle se sent plus fragile, elle peut anticiper, poser des congés, en tous les cas, soigner davantage son alimentation, et essayer se coucher à des horaires réguliers ;
– quand elle se sent triste ou oppressée, partir à la campagne, dans la grande maison de ses parents, pour se ressourcer.

Être comme tout le monde

Pour les jeunes suivis à notre consultation, le parcours étudiant ou professionnel reste souvent chaotique, semé d’embûches… Mais c’est aussi une façon de s’émanciper de la maladie et d’être « comme tout le monde »…

VIRGINIE DE MEULDER
Infirmière, Consultation jeunes adultes Nineteen, GHU Paris psychiatrie et neurosciences.

1– L’état mental à risque est évalué via la Caarms (Com- prehensive Assessment of at risk mental state), entretien semi-structuré dédié à l’évaluation des symptômes émergents de la psychose organisée en sept dimensions comprenant 28 items à coter en termes de sévérité, durée, fréquence.