Quelle reconnaissance des troubles psychiques liés au travail ?
Eurogip publie un rapport sur les pratiques actuelles de reconnaissance des troubles psychiques liés au travail en Europe. La France est le pays qui reconnait le plus de pathologies psychiques en accidents du travail.
Il est désormais admis que les conditions de travail peuvent impacter la santé mentale des travailleurs. Aussi la prévention des risques psychosociaux est-elle devenue une priorité dans de nombreux pas. Mais la question de la reconnaissance du caractère professionnel des maladies psychiques est loin de faire l’unanimité en Europe. EUROGIP y a consacré sa dernière étude.
Cette reconnaissance se heurte à des d’obstacles d’ordre juridique tout d’abord. Les définitions nationales et les interprétations jurisprudentielles de ce que recouvre un accident du travail d’une part, les procédures réglementaires de reconnaissance des maladies professionnelles d’autre part, ne permettent pas partout la prise en charge à ce titre des pathologies mentales.
Là où une telle reconnaissance est possible se pose la question de l’objectivation du lien de causalité entre l’exposition et la maladie, presque jamais présumé en droit. La santé mentale d’un travailleur peut en effet être affectée à la fois par des conditions de travail dégradées et par des facteurs extra-professionnels.
Reconnaissance en accident du travail (AT) et en maladie professionnelle (MP)
Il s’avère qu’à certaines conditions, une pathologie psychique suite à un événement précis, soudain et imprévisible peut théoriquement être reconnue en tant qu’accident du travail dans de nombreux pays européens.
Mais de plus en plus de travailleurs déclarent souffrir aujourd’hui de troubles non traumatiques (dépression, épuisement professionnel…), causés par l’organisation et les conditions de travail, la violence ou le mode de management auxquels ils seraient confrontés sur leur lieu de travail. Ces situations, correspondant alors à une exposition prolongée à un risque psychosocial, posent la question d’une reconnaissance des troubles psychiques en maladies professionnelles, question sur laquelle seuls quelques pays – Danemark, Espagne, France, Italie, Suède – se sont positionnés favorablement il y a une vingtaine d’années déjà.
Le pays qui reconnaît le plus de pathologies psychiques en AT est la France (ratio de 50 pour 100 000 assurés, 100 si l’on considère les cas assimilés), suivie du Danemark (ratio de 33). L’Espagne affiche un ratio de 3.
Enfin, on observe presque partout une relative stabilité dans le temps du nombre de demandes de reconnaissance et de cas reconnus. En France pourtant, le desserrement en 2012 des conditions d’entrée dans le système de reconnaissance hors-liste a conduit à une tendance haussière continue aussi bien des demandes de reconnaissance que des cas
reconnus
Le nouveau rapport d’EUROGIP s’intéresse donc :
- aux troubles psychiques liés à des risques psychosociaux (ceux causés par des substances toxiques, notamment les solvants, sont exclus) ;
- aux cinq pays qui reconnaissent les troubles psychiques en maladies professionnelles, ainsi qu’à l’Allemagne et la Belgique où des informations sur la reconnaissance en accidents du travail sont disponibles ;
- au processus de reconnaissance du caractère professionnel des pathologies psychiques ;
- aux statistiques publiées par les assureurs “accidents du travail / maladies professionnelles”.
Un point concerne la reconnaissance du suicide.
Reconnaissance et prise en charge des troubles psychiques liés au travail en Europe (Allemagne, Belgique, Danemark, Espagne, France, Italie, Suède), Eurogip, mai 2023 – Télécharger le rapport