Architecture et psychiatrie où comment « donner de l’air » aux murs
A l’hôpital psychiatrique, l’architecte doit apporter des solutions spatiales qui dédramatisent le lieu et contribuent aux soins. Les locaux doivent en particulier éviter de procurer une sensation d’enfermement, tout en assurant la plus grande sécurité pour les soignants et les patients. Depuis une trentaine d’années, AA Group développe une réflexion et des projets d’architecture en psychiatrie. Coprésident de la commission architecture et psychiatrie au sein de l’Union des architectes francophones en santé (UAFS), Bruno Laudat en présente la philosophie.
Les désordres psychiques se projettent dans l’espace habité. L’architecture de cet espace influence donc tout naturellement ses habitants, qu’ils soient patients ou soignants. Pétris de bonnes intentions, les architectes qui les conçoivent se mettent « au service de », ce qui signifie que l’enjeu n’est pas la production d’espaces mais la nature des relations que les usagers entretiennent avec le lieu. L’être humain « habitant », le patient, est ainsi au centre des préoccupations. Il s’agit aussi des relations des soignants, chargés de rétablir un contact avec ceux, qui, isolés, cherchent à revenir dans le monde, ou ont perdu tout espoir. Et enfin celles des architectes, à qui l’on demande de mettre en espace le mode opératoire de la prise en charge institutionnelle organisée entre lieu de soin et lieu de vie.
Si la psychiatrie est enfin parvenue à exister sur le même plan que les autres disciplines médicales, elle doit assumer ses spécificités architecturales, en s’affranchissant notamment de principes d’organisation cartésiens, rationnels et simplificateurs auxquels répondent les hôpitaux somatiques, pour une meilleure efficacité, dont l’objet est de produire un outil adapté à des problèmes spécifiques.
Ne pouvant s’appuyer uniquement sur des processus chimiques ou techniques, la prise en compte de la dimension humaine des rapports entre soignants et soignés dépasse le simple cadre de l’accompagnement du traitement que l’on est en droit d’attendre lors de tout séjour à l’hôpital. L’écoute et l’empathie des uns envers les autres font partie intégrante du soin et l’environnement doit les permettre et les favoriser.
Penser toit plutôt que mur
La nécessaire prise en compte de la dimension irrationnelle des pathologies psychiques nécessite un arsenal architectural qui peut paraitre tout aussi irrationnel :
- la diversité comme outil thérapeutique,
- le vide comme espace de liberté,
- le cheminement comme réponse à l’état de crise,
- l’esthétique contemporaine comme vecteur d’intégration
- l’implantation urbaine pour lutter contre l’ostracisation…
Dans un hôpital psychiatrique, l’architecte doit apporter des solutions spatiales qui dédramatisent le lieu. La sensation d’enfermement doit être bannie tout en assurant la plus grande sécurité pour les soignants et les patients.
Au sein de AA GROUP, nous explorons depuis une trentaine d’années les pistes qui servent cette idée. L’une d’entre elle, sans doute la plus efficace et la plus symbolique, est d’aborder la question en abandonnant l’idée de mur au profit de celle du toit.
Le mur est vertical : il sépare, isole, contient, empêche, ordonne, hiérarchise, exclut. Il est un outil totalitaire.
Remplacer les murs par un toit, c’est unifier, relier, ouvrir, permettre, mélanger, égaliser, accueillir, protéger. C’est un outil citoyen.
C’est un changement de paradigme dont les soignants doivent s’emparer également pour imaginer de nouvelles prises en charge que nous saurons construire avec eux.
• Contact : bruno.laudat@aagroup.fr