Réduire les idées délirantes de persécution
Le programme de réhabilitation psychosociale « Alice » propose d’aider les patients à réduire leur conviction vis-à-vis des idées délirantes de persécution. Une recherche multicentrique de deux ans impulsée au Vinatier vise à évaluer son efficacité.
Financée dans le cadre des Projets de recherche du CH Le Vinatier 2023, la recherche Alice (pour « Aide à l’interprétation des comportements et des émotions ») vise à valider une nouvelle intervention de réhabilitation psychosociale, basée sur les thérapies comportementales et cognitives (TCC) et le travail sur les émotions, conçue pour réduire la conviction vis-à-vis des idées délirantes de persécution des patients souffrant de troubles psychiatriques sévères. Les idées délirantes de persécution constituent en effet une symptomatologie fréquente (70 % des patients souffrant de schizophrénie), transdiagnostique, pour laquelle peu de thérapeutiques ciblées sont disponibles. L’efficacité des antipsychotiques s’avère modeste sur cette symptomatologie (1), tandis que celle des thérapies cognitives et comportementales (TCC) est faible (2).
Dans ce contexte, une équipe composée de deux infirmiers (Isabelle Seguin et Yves Berthier) et d’un psychologue (Rémi Prunet) a développé depuis 6 ans le programme Alice. Il s’agit d’une intervention pour des groupes de 8 patients, transdiagnostiques, organisée en 16 séances d’une heure. Elles se déroulent autour d’un jeu, qui met en scène un personnage fictif, Alice, aux prises avec des situations de la vie quotidienne au cours desquelles elle se sent persécutée. Chaque épisode, construit à partir de faits réels vécus par des patients, est ensuite décortiqué par le groupe, avec l’objectif d’aider les personnes à prendre conscience de la triangulation émotion/pensée/comportement. Progressivement, les patients repèrent que leurs biais d’attribution sont en lien avec leurs émotions négatives au sein de leur environnement. Ils sont ensuite motivés pour s’inscrire dans d’autres groupes thérapeutiques sur l’affirmation de soi, les cognitions sociales ou s’engager dans une thérapie individuelle.
Une étude préliminaire, rétrospective, réalisée à partir de données issues des soins courants, recueillies auprès de 6 patients ayant bénéficié d’une session du programme Alice, a retrouvé une amélioration significative de la perception de l’intentionnalité et des cognitions sociales, une réduction du biais d’agression dans les réponses comportementales et des biais d’attribution.
Pour confirmer ces résultats, une recherche multicentrique va se dérouler au CH Le Vinatier et au CHU de Saint-Étienne. Elle impliquera 45 patients durant deux ans. L’hypothèse principale est que la conviction vis-à-vis des idées délirantes de persécution est réduite après la participation au programme Alice. Les résultats seront évalués pendant 9 mois à l’aide de plusieurs échelles. Si les résultats sont positifs, le programme Alice, facile d’utilisation et transposable, pourrait combler un vide important dans les soins psychiatriques de premier niveau, offrant une option non pharmacologique dans le traitement de ces idées délirantes de persécution.
• Contact : Romain Rey, Romain.REY@ch-le-vinatier.fr
1– Leucht et al. (2013). Comparative efficacy and tolerability of 15 antipsychotic drugs in schizophrenia : a multiple treatments meta-analysis. Lancet Lond Engl. 382(9896):951-62. 2– Van der Gaag M et al. (2014), Smit F. The effects of individually tailored formulation-based cognitive behavioural therapy in auditory halluinations and delusions : a meta-analysis. Schizophr Res. juin 2014 ;156(1):30-7.