Programme

« Encore un passage à l’acte ! » :
accueillir, comprendre, (ré)agir 

En psychiatrie certains actes nous troublent, nous sidèrent et gèlent notre capacité à penser et à réagir surtout lorsqu’ils se répètent au point que nous nous sentons débordés, voire impuissants. Relèvent-ils nécessairement de ce que nous nommons « passages à l’acte » ? La sémiologie abonde d’expressions qui semblent très proches les unes des autres : passage « à » ou « par » l’acte, « recours à l’acte », « acting-in » ou « acting-out »… Comment les différencier ? Qu’est-ce qui distingue un acte, un comportement, une pulsion et une conduite ?

La clinique de l’agir renvoie à un registre très large qui ne se limite pas à l’expression de la violence envers autrui. Fugues et conduites d’errance, prise de stupéfiants, phlébotomie voire tentatives de suicide, ruptures avec le milieu familial, abandon précoce de la thérapie… peuvent relever de « passages à l’acte » sans impliquer une hostilité directement dirigée contre un tiers.  C’est à chaque fois le contexte clinique, l’histoire de la conduite dans un environnement spécifique (famille, école, institution), son inscription dans la dynamique psychique qui peut permettre d’en saisir le sens. Derrière l’acte, s’exprime souvent soit une tentative de dire autrement que par des mots soit une volonté de couper court à l’insupportable.

La répétition de ces actes soumet les soignants à rude épreuve. Entre peur et rejet, culpabilité et colère, les contre-attitudes sont parfois inévitables (mesures coercitives systématisées, évitement, indifférence, ironie, refus d’aide…) et nourrissent en miroir d’autres agirs. L’acte vient masquer la souffrance psychique et éloigne parfois le soignant qui tente de reprendre le contrôle et le pouvoir, plutôt que d’accueillir, comprendre et classer ces évènements sans éroder la relation soigné/soignant ? Comment restaurer un lien sans cesse attaqué ? Malgré des contraintes organisationnelles qui s’imposent autant aux soignés qu’aux soignants il faut penser collectivement ces moments féconds.  Au-delà des attitudes défensives, comment prévenir l’usure émotionnelle et l’isolement face à ces situations répétées ? Quels dispositifs mettre en place ? Comment les contenir psychiquement, apprivoiser les émotions qu’ils suscitent en nous, permettre aux patients d’élaborer, pas à pas, à partir de ce qui tend à les déborder ?

Pré-programme 

Table ronde 1 – De quoi le passage à l’acte est-il le nom ?

Aujourd’hui, le terme « passage à l’acte » envahit l’espace public où il signifie bien souvent « passer à l’action ». Dans la clinique psychiatrique, ce comportement traduit une rupture momentanée dans la continuité psychique du sujet, qui entraîne un acte impulsif, transgressif, parfois auto ou hétéro-agressif. Il suscite incompréhension, peur, colère voire de la contre-violence alors qu’il n’implique pas forcément d’attaque directe contre autrui. Dans ce contexte, les représentations des soignants conditionnent leur compréhension de ces agirs et donc la réponse clinique. Que nous apprend la sémiologie sur ces actes déroutants qui nous troublent ? Comment les catégoriser et les analyser ? Quels en sont les enjeux psychopathologiques ? Qu’est-ce qui en détermine la forme : le contexte institutionnel, la pathologie, l’élément déclenchant, la tolérance de l’entourage ?

Table ronde 2 – Le passage à l’acte : une énigme à décrypter 

Le passage à l’acte recouvre un registre très large de conduites et de manifestations qui mettent en jeu des dimensions corporelles et sensori-motrices. Il s’inscrit souvent dans un contexte plus large et peut être considéré comme une réponse désespérée à l’angoisse, une défense contre l’effondrement. Qu’est-ce qui pousse à l’acte ? Qu’est-ce qui est mis en acte ? Comment se faire le destinataire d’un message en quête d’adresse ? C’est à chaque fois le contexte clinique, l’histoire de la conduite dans un environnement spécifique, son inscription dans une dynamique psychique qui peut permettre de construire avec le sujet, le sens de l’acte. Si l’équipe soignante doit à chaque fois, d’une manière singulière, contenir ces agirs pour les traiter, elle doit également, en même temps, créer les conditions pour en explorer la dynamique et la restituer au sujet.

 Table ronde 3 – « Accompagner » le passage à l’acte

L’acte, lorsqu’il apparaît sous une forme violente et destructrice, crée un sentiment d’urgence et nécessite une réponse rapide pour protéger le sujet et son environnement. Les comportements décrits comme « perturbateurs », « dérangeants », « problématiques », surtout lorsqu’ils se répètent, usent et mettent à mal l’équipe soignante qui peut se sentir provoquée, manipulée. Les réactions des soignants peuvent alors prendre différentes formes : un durcissement des règles qui vise à éradiquer le comportement, des « représailles », le désinvestissement voire l’effondrement collectif, le clivage ou encore un relâchement du cadre de soin allant jusqu’à l’effacement de toute distance.  Les contre-attitudes prennent dans ce cas le pas sur le désir de comprendre. Il devient alors difficile de prendre du recul et de différer la réponse pour tenter de lui donner du sens. Comment ne pas aggraver ces passages à l’acte et éviter qu’ils s’installent et se répètent ? Avec quels outils renouer le lien et résister à la destructivité ? Quelle place pour l’analyse des pratiques ?

 Table ronde 4 – « Passer par l’acte  » : un élan vers le rétablissement ?

Le passage à l’acte n’est pas toujours un acte impulsif et irrationnel. Il est aussi le produit d’une énergie vitale qui peut se transformer en élan de pensée et de création, de réflexion et d’invention lorsqu’il est accompagné et travaillé. Pour les usagers de la psychiatrie, il ouvre alors un chemin vers un rétablissement et s’inscrit comme une modalité de relation au monde (et aux autres), et en premier lieu à des soignants capables de comprendre, de résister aux attaques et de s’impliquer sans contre-agir. Forts de leur traversée de la maladie, les pairs-aidants montrent ainsi que l’art de « passer par l’acte » est aussi celui des commencements, que c’est tout à la fois se jeter à l’eau, traverser, bifurquer, franchir, transgresser, passer les gués, passer outre, se relier à soi et aux autres …

 

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